Qu’est-ce que la philosophie ?

La pensée et le nom, suite

L’étonnement 4

 

Philosopher, c’est assumer réflexivement le non savoir à propos de soi, c’est-à-dire le silence qui s’empare de nous quand la question nous en est posée. Et la position de cette question, c’est l’étonnement : là où nous apercevons une chose, éventuellement aussi triviale qu’un verre d’eau sucrée ou qu’une racine de marronnier, qui nous dit qui nous sommes vraiment. Il y a les choses qui nous parlent dans le bruissement du monde (par exemple ce stylo qui me parle d’écriture, etc.) et les choses, étonnantes, qui nous parlent dans le silence :elles disent notre nom indisponible, notre vrai nom, celui dont ” tout ” relève originellement pour nous. C’est l’écoute de ce dit qui est l’étonnement proprement dit, et c’est l’assomption de cette ” vérité ” du nom qui est la philosophie – comme la distinctionde la métaphysique où il s’agit de ” tout “, et non pas comme une discipline qui aurait sa réalité en elle-même.

La philosophie, c’est que le discours qui vaudrait pour ” tout “, et qu’on nomme la métaphysique, ait un agent qui est l’étonnant, un agent facilement repérable chez chaque philosophe, et dontle propre est d’avoir le nom impossible du penseur pour réalité exclusive.

J’espère vous avoir montré ainsi que la définition de la philosophie n’était intelligible qu’à partir de la pensée de l’étonnement, sur quoi nous finissons notre année. Aujourd’hui je vais vous donner quelques éléments permettant de penser rapport de l’étonnement et de la vérité, puisqu’aussi bien on n’est philosophe qu’à faire de la vérité son affaire propre.

L’étonnant définit la vérité comme inscription hors savoir

L’étonnant répond à la question de savoir qui nous sommes en nous ouvrant nominalement à notre origine. Cela, c’est le principe. Vous pouvez en reconnaître une manifestation dans la nécessité se mettre quotidiennement au travail (nécessité qu’on peut assumer ou trahir), puisque la blancheur de la feuille (ou de l’écran) est seule à pouvoir figurer dans le monde le lieu d’impossibilité où le nom s’inscrira sans nous. La blancheur métaphorise l’extériorité au savoir et permet de reconnaître la corrélation de l’étonnement et de l’inscription. C’est cette notion qui me semble décisive ici, et je vais essayer de vous expliquer de quoi il s’agit.

Je dirai que quand un philosophe parle de ce qui l’étonne (et il est impossible qu’il parle d’autre chose), il inscrit son nom ” sans le savoir “. En effet, nous qui le lisons avons affaire non pas seulement à un texte dont il serait l’auteur (n’importe qui est l’auteur des textes qu’il rédige) mais à un texte où se dit une ” nature ” qui vaut pour ” tout ” et dont je viens de vous rappeler qu’elle était faite de son nom indisponible. Lui il est métaphysicien, mais nous le savons philosophe. Autrement dit on n’est philosophe qu’à être la dupe de ce qu’on dit, à l’encontre des lecteurs qui reconnaissent la dimension philosophique (c’est-à-dire la distinction) d’un discours qui n’est métaphysique que ” par ailleurs ” (là où cela ne compte pas).

Par exemple Leibniz parle des monades. Mais personne (sauf lui) ne peut s’intéresser aux monades c’est-à-dire en être dupe, dès lors que la réalité de la monade est épuisée par son caractère ” leibnizien ” (si vous ne m’accordez pas que la monade est de nature leibnizienne, je ne saurai jamais de quoi vous parlez quand vous employer ce mot), c’est-à-dire dès lors que la notion de monade, réellement métaphysique, est en véritéphilosophique.

C’est toujours à partir de l’opposition de la réalité et de la vérité, autrement dit de la distinction philosophique à l’encontre du discours métaphysique, que le nom s’impose, puisqu’il est cette distinction elle-même. Et quand je parle d’inscription, c’est pour rappeler d’une part qu’il s’agit dans tous les textes philosophiques de pensée et non pas de savoir (le savoir sur les monades n’intéresse personne : c’est à la pensée de Leibniz que nous nous référons en ayant raison de le lire et de le relire), et d’autre part pour rappeler que les choses dont ils parlent ne sont elles-mêmes rien d’autre que des réalités distinguées c’est-à-dire vraies : elles sont épuisées par leur vérité en ce sens que la réalité de la monade, c’est seulement d’être leibnizienne !

Et ne venez pas me parler des épigones, c’est-à-dire des ” disciples ” qui ” poursuivraient ” les ” recherches ” des philosophes, puisque la philosophie n’est pas une sorte de science dont la production pourrait se poursuivre par accumulation et perfectionnement, mais le discours d’un seul : le discours de qui n’a pas cédé sur l’irréductibilité de la première personne qu’il est vraiment à la troisième qu’il est seulement par ailleurs (l’idée de perfectionner la pensée de Platon ou d’un autre philosophe en poursuivant leurs ” recherches ” philosophiques est donc aussi grotesque que celle de perfectionner la pensée de Mozart, dont on prétendrait qu’il n’a pas eu le temps de mener à leur terme ses ” recherches ” musicales).

C’est que l’inscription du nom secret est la réalité des objets de la philosophie, en tant qu’ils sont construits par le discours de celui qui ne sait pas qui il est, et qui, en disant ce non savoir alors que les gens ” normaux ” feignent de l’ignorer, répond – dès lors bien sans le savoir – à la question qui est la sienne (au double sens du génitif).

Vous comprenez en quel sens il faut dire que le travail philosophique est un travail d’inscription du nom indisponible : au sens où la philosophie n’est rien d’autre que la distinction de la métaphysique, c’est-à-dire, si vous préférez que je vous indique les choses ” objectivement “, au sens où les objets de pensée du philosophe sont non pas des réalités qu’il constate (comme un savant peut constater un phénomène) mais des choses qui l’étonnent. L’étonnant qui ouvre à l’origine dont le nom impossible est la mention ne peut être dit que dans l’inscription non sue de ce nom indisponible.

Impossible par conséquent de séparer le statut de la philosophie comme ” savoir personnel ” (le savoir de quelqu’un en tant qu’il est lui et non pas n’importe qui), des objets de la philosophie en tant que ” natures ” (des réalités uniquement faites de la consistance qui assure le nom indisponible) ni de l’étonnement (l’ouverture à l’origine dont l’assomption, forcément non sue, est l’inscription de ce nom lui-même).

C’est donc le même de poser sa propre question, d’être la dupe d’une ” nature ” qui soit l’intelligibilité de ” tout “, de ne pas se comprendre soi-même en ne se rendant pas compte du fait que les choses dont on parle n’ont d’autre réalité que la consistance d’un nom qu’on inscrit parce qu’il est impossible à écrire, et de ne pas céder sur le caractère étonnant de ce qui a été reconnu.

J’insiste sur cette idée d’être la dupe de sa propre pensée, qui me sert à caractériser ce que le philosophe est ” par ailleurs ” c’est-à-dire là où il est métaphysicien. Je veux souligner le paradoxe de cette duperie, en l’exprimant ainsi : lui qui se croit autorisé par sa place à dire ce qu’il dit (par exemple il se situe à tel moment critique de l’histoire, là où des vérités se révèlent), il ne voit pas qu’il s’autorise de lui-même ! C’est exactement ce que signifie ma notion des ” natures “, que je vous ai donnée d’emblée : il croit parler de choses auxquelles n’importe qui peut avoir accès (c’est seulement le hasard de sa situation objective et subjective qui lui a donné un statut privilégié), alors que l’objet de son discours est épuisé par la consistance que lui donne son nom inouï c’est-à-dire audible seulement dans le silence de l’étonnement. Et c’est justement parce que ce nom est propre c’est-à-dire indisponible (le nom qu’on ne peut pas écrire, comme un certain texte de Sartre nous l’a appris) qu’il va, si l’on peut dire, tomber dans le panneau de la métaphysique c’est-à-dire révéler des choses particulières qui seront, pour ” tout “, des clés d’intelligibilité. Mais bien sûr, personne n’y croit, surtout pas nous, les lecteurs, qui savons bien qu’il s’agit en philosophie de pensée et non de savoir, autrement dit qui lisons et relisons les métaphysiciens alors même que l’idée de nous soumettre à un doctrinaire ne peut inspirer que du mépris .

La distinction philosophique, il faut donc l’entendre dans l’a priori de cette méconnaissance, autrement dit de l’impossibilité d’être pour soi-même un philosophe. Je souligne en passant que la notion de la méconnaissance est inhérente à celle de distinction : socialement, celui qui prend conscience d’être distingué devient par là même un poseur qui fait des manières (par exemple il affecte la simplicité). Pareillement celui qui voudrait être philosophe sans être métaphysicien ne serait à la rigueur un sophiste : pas un penseur, puisqu’il n’y a de pensée que comme extériorité au savoir dont la pensée est par ailleurs la production (lequel savoir, dont on peut bien entendu multiplier les degrés de réflexivité, s’appelle toujours métaphysique). Car la vérité qui définit la pensée n’est pas un caractère qu’elle posséderait en propre, c’est-à-dire une sorte de réalité qui ferait différence : la vérité qui détermine un discours comme philosophique, c’est simplement que son éventuelle réfutation ne compte pas. Et c’est uniquement comme métaphysique qu’un discours philosophique peut être réfuté (on ne réfute pas un nom propre). Comment donc la métaphysique pourrait-elle ne pas compter s’il n’y avait pas de métaphysique, c’est-à-dire si l’activité concrète de tout philosophe n’était de produire une doctrine ? C’est précisément ce paradoxe de la doctrine qui ne compte pas qu’il faut nommer, selon moi, l’inscription du nom impossible : il n’y a pas de différence entre mentionner l’impossibilité du nom propre et dire que la doctrine ne compte pas.

Donc le paradoxe de la subjectivité philosophique, c’est-à-dire de la subjectivité étonnée, est d’être en méconnaissance de son propre refus de céder : le métaphysicien s’imagine qu’il parle en étant seulement autorisé de sa place c’est-à-dire en tant qu’il est n’importe qui (puisqu’il dit ce que n’importe qui dirait à sa place).

C’est cette méconnaissance qui définit l’éthique, comme je crois vous l’avoir déjà expliqué (sinon on est ou bien dans la morale quand l’impératif vaut universellement, ou bien dans l’asservissement à l’idéal du moi quand l’impératif ne vaut que pour soi). En ce sens, on peut dire que l’étonnant nous ouvre à l’éthique et que la philosophie est le dit de cette ouverture. Or qui dit éthique dit acte (par opposition à l’action qui est toujours conformité à une nécessité préalable) ; l’acte en question, c’est l’écriture de la doctrine c’est-à-dire, en tant que celle-ci ne compte pas (tout le monde sait que réfuter la doctrine d’un philosophe n’a aucune incidence sur la nécessité de continuer à le lire), l’inscription du nom impossible, puisque les choses dont on parle sont épuisées par la nomination impossible de leur être – lequel est dès lors l’être de ” tout “.

Vous voyez donc qu’il n’y a pas de différence entre mentionner l’impossibilité du nom propre, dire que l’étonnant convoque le philosophe en lui apparaissant comme la clé d’intelligibilité de ” tout “, et dire que l’écriture philosophique est un acte : tout cela revient à faire de l’inscription du nom impossible la réponse effective à la question – dès lors éthique et non pas existentielle ni bien sûr psychologique – qu’il est pour lui-même. Et la réponse est vraie parce que c’est sans le savoir qu’elle est donnée (depuis son étonnement le philosophe croit parler de ” tout “, puisqu’il dira ce qu’il en est de l’être et de la vérité des étants).

Cette question, à laquelle on ne répond jamais que ” sans le savoir “, est la question ” qui suis-je ? “, qu’il faut opposer à la question ” que suis-je ? ” – laquelle est le lieu de la duperie pour le philosophe lui-même, qui répondra à sa propre question en faisant la théorie de sa place. Pour lui la place autorisera un discours dont nous, les lecteurs, savons qu’il est uniquement autorisé de sa vérité c’est-à-dire du nom impossible dont il est l’inscription ! Hegel nous explique qu’il se situe très exactement là où le savoir doit devenir philosophiquement conscient de lui-même, et nous ses lecteurs savons que tout cela concerne l’Esprit, la logique, l’Histoire, etc., en tant qu’ils sont de ” nature ” hégélienne. En quoi c’est bien de sa pensée impliquant notre liberté et non de sa doctrine impliquant notre soumission qu’il s’agit pour nous.

En parlant d’ ” inscription du nom impossible “, par quoi je définis expressément la vérité, c’est donc concrètement d’être la dupe de son propre discours que je vous parle.

Pas de vérité sans duperie, parce que la philosophie, qui est le vrai savoir, ne diffère pas de la métaphysique : elle s’en distingue.

En philosophie, parce que celle-ci n’est rien d’autre que sa distinction d’avec la métaphysique dont elle ne diffère pas, la duperie est la réalité de la vérité. Autrement dit, la notion même de la vérité serait inintelligible si le métaphysicien n’était pas un philosophe c’est-à-dire concrètement si les réalités dont il traite n’étaient pas en vérité épuisées dans leur consistance par l’impossibilité du nom qu’il inscrit malgré lui.

Cette extériorité n’est rien d’autre que le génie, dont je vous ai expliqué cent fois que la notion était exclusivement éthique (est génial l’acte de la première personne en tant que telle c’est-à-dire l’acte d’un sujet qui ne cède pas sur l’irréductibilité de la personne qu’il est impossiblement à celle qu’il se représente nécessairement être)

Quand on parle de vérité ” personnelle “il s’agit donc de cette ” distinction ” si la philosophie est bien, par opposition à la métaphysique qui se définit de valoir pour et par n’importe qui, le discours qu’un seul peut (et donc doit) tenir.

En faisant équivaloir la pensée à l’impossibilité positive du nom (puisque c’est de son impossibilité qu’il s’inscrit !) j’explicite la notion d’extériorité au savoir, dont le principe est toujours ce qu’on peut nommer l’irréductibilité de la question personnelle : l’irréductibilité de ” qui ” à ” quoi “. Ainsi quand la réponse n’est pas un savoir, elle est une inscription, laquelle est la production du même savoir comme vrai – alors que la notion de vérité s’entend expressément à l’encontre de celle du savoir. Par exemple : l’hégélianisme non pas comme doctrine dont un certain Hegel aurait été le haut-parleur, mais comme philosophie, réponse à la question de savoir qui était Hegel (réponse dès lors géniale, puisque ” génial ” signifie uniquement cette irréductibilité éthique de ” qui ” à ” quoi “).

Notre vérité n’est donc jamais donnée au sens où nous pourrions un jour en prendre connaissance, mais seulement au sens où elle s’inscrit là où nous ne savons pas. C’est pourquoi elle est éthique (c’est-à-dire ” géniale ” puisque ce terme désigne l’éthique en première personne,) et nullement métaphysique (discours d’un maître, lequel serait éventuellement nous-mêmes).

En vous rappelant que la philosophie ne pouvait pas exister autrement que comme tradition, je vous avais expliqué que cette réponse du penseur à sa propre question est don de liberté – puisque la tradition est toujours métaphorique et qu’on ne peut apprendre à faire des métaphores (par exemple Descartes donne à Spinoza sa liberté d’être vraiment Spinoza, lui qui pense dans la tradition cartésienne). Le don aux autres de leur propre liberté, en quoi consiste toute pensée, est évidemment l’envers de ce que je viens de vous expliquer.

J’arrête ici sur ce point, dont je tiens à souligner l’importance puisque je viens de vous indiquer de quelle manière il fallait entendre ” vérité ” quand il était question de l’étonnement – si ne sont jamais étonnantes que les choses à propos desquelles le savoir ne compte pas, c’est-à-dire des choses qui nous appellent à produire un savoir qui aura, parmi tous les savoirs, la particularité incroyable que sa réfutation ne comptera pas

La philosophie : savoir en cause et vérité en question

Le surprenant appelle au savoir, je l’ai déjà dit. Mais ce savoir est régional ou encore mondain, et l’on ne va jamais plus loin. L’étonnant appelle aussi au savoir, mais c’est au savoir métaphysique : à un savoir qui a pour vérité de ne porter sur ” rien ” parce qu’il a le nom propre pour consistance – ou sur ” tout ” dont ce ” rien ” serait la cause, puisqu’il n’y a ” tout ” qu’à partir de ” rien ” et qu’être la dupe de sa pensée consiste à amener nominalement ce ” rien ” en croyant parler de ” tout ” (élaborer une œuvre en imaginant produire une doctrine, c’est-à-dire être soi-même en imaginant être n’importe qui). L’étonnant partage donc avec le surprenant d’en appeler au savoir, mais le savoir dont il est l’amorce est un savoir distingué ou encore personnel : ce qui nous étonne, nous seuls pouvons le penser, puisque en fin de compte et malgré nous, ce savoir sera la réponse à notre question.

Je traduira d’abord cela en disant que le savoir à venir est, comme métaphysique, en cause dans ce qui étonne : c’est la doctrine métaphysique (et non pas un quelconque supplément d’information ou de connaissances) qui rendra compte de l’étonnant ; et celui-ci est en même temps le lieu où le savoir est en cause, comme on peut dire de quelque chose qu’il est en germe.

Réflexivement, l’étonnant semblera avoir de tout temps attendu le philosophe qui va produire le savoir qui en dira la vérité, et c’est justement en cela qu’il est étonnant : je vous ai dit que l’étonnant nous parlait de nous-mêmes ; cela signifie aussi bien que l’étonnant nous attend et que l’étonnement est la reconnaissance de cette attente qui est originellement celle du vrai sujet que, sans le savoir encore, nous sommes quand même déjà pour lui. Le sucre qui fond dans l’eau attend depuis toujours le penseur de la durée, parce que c’est par lui – le savoir a donc bien ici statut de cause – que ce phénomène cesse d’être banal pour devenir vrai. Et certes, il l’est puisqu’il est bergsonien.

L’étonnant nous attend en quelque sorte au ” tournant “, si vous me permettez de reprendre le terme heideggerien de la Kehre, où est indiqué un renversement de perspective (on passe du point de vue de l’homme qui restait malgré tout enfermé dans l’horizon du transcendantal au point de vue de l’être, si l’on peut s’exprimer ainsi). Ici, le ” tournant ” est le passage de la phénoménalité à la vérité dont le savoir, de ne pas compter, est la cause.

Doit donc être dite étonnante toute réalité qui est en train d’effectuer ce passage. Voilà exactement ce dont la reconnaissance s’appelle étonnement.

Je dirai ensuite que le savoir étant philosophique, il est vrai : sa réalité est d’être l’inscription du nom indisponible, puisque c’est cela, être vrai. C’est donc dans sa distinction que le discours philosophique est vrai (c’est-à-dire philosophique).

Mais la distinction n’est pas la différence. De sorte qu’on ne peut pas dire positivement que le discours philosophique est vrai, sauf à le confondre avec le discours métaphysique qui, même représentativement, ne peut pas l’être puisqu’il est réfuté d’avance. Bref, on ne peut dire un discours vrai (ou philosophique) qu’à ce que la vérité y soit en question pour elle-même, et qu’en cela consiste précisément qu’elle soit la vérité !

Et en effet : en toute philosophie c’est de la vérité qui est débattue, laquelle ne peut pas différer de son caractère problématique, puisqu’une philosophie est, comme œuvre c’est-à-dire inscription du nom indisponible, la résolution du problème dont, comme théorie c’est-à-dire savoir de l’étonnant, elle est la position.

Réflexivement je traduirai cela en disant qu’il n’y a jamais d’autre question en philosophie que celle de la philosophie. Pour chacun d’entre nous, dire vraiment qui il est, c’est donc répondre à la question de la philosophie – comme un tableau n’est pas une effectuation de la peinture mais l’élaboration et la résolution du problème contenu dans la question de savoir ce que c’est que peindre.

Souvenez-vous des développements que j’ai conduits sur la notion de ” distinction “, au début de l’année. Vous en avez maintenant la résolution : par ” distinction “, c’est ” la vérité en question ” qu’il faut entendre – ce qui ne se peut donc qu’à l’encontre du ” savoir en cause “. Et quand nous partons de l’étonnant, qui nous convoque vraiment à nous-mêmes, c’est concrètement du problème philosophique de la philosophie qu’il s’agira. Voilà donc comment il faut articuler cette corrélation de l’étonnant et de la vérité personnelle que j’ai traduite par l’opposition du ” savoir en cause ” et de la ” vérité en question “.

L’étonnant apparaît comme ayant la doctrine comme cause et il a par conséquent la promesse pour nature ! Si vous vous laissez étonner, c’est que vous n’êtes pas fermé à une promesse dont je vous ai expliqué aujourd’hui qu’elle était celle de vous rencontrer vous-mêmes. Mais, bien sûr, vous ne pouvez vous rencontrer vous-même que sans le savoir – dans l’acte d’inscription dont je vous ai donné aujourd’hui la théorie.

 

J’arrête là-dessus ce premier exposé sur la vérité personnelle. La prochaine fois, nous reprendrons la même question, mais d’un point de vue éthique.

 

Je vous remercie de votre attention.