Personnalité et non-humanité (à propos des animaux)

 

L’éthique excluant qu’il y ait jamais de raisons de reconnaître (par exemple l’appartenance à l’humanité qui ne concernerait qu’un exemplaire et non pas quelqu’un), une raison de ne pas reconnaître (par exemple la non-appartenance à l’humanité) n’en est pas une. D’un autre côté, on ne peut pourtant pas nier que la reconnaissance ne soit celle de quelqu’un et non pas de n’importe qui qu’à d’abord n’avoir pas été celle de n’importe quoi, c’est-à-dire qu’à supposer malgré tout une justification positive à la différence personnelle. Sauf donc à en rester à la contradiction d’une reconnaissance qui resterait toujours celle de quelque chose, il faut que nous interrogions une réalité qui soit en propre attachée au sujet personnel, sans qu’elle se traduise par l’absurdité d’une discrimination entre ces sujets, c’est-à-dire sans que s’en imposent des raisons de reconnaître ou de ne pas reconnaître. Cette réalité est celle des valeurs.

Qu’il n’y ait de reconnaissance personnelle que réfléchie comme celle du caractère valable des valeurs de l’autre conduit à penser la différence personnelle à travers la nécessité pour les valeurs qu’elles soient axiologiquement redoublées : une valeur qui ne m’oblige pas n’en est pas une pour moi, et c’est bien le même, avons-nous indiqué, de ne pas reconnaître quelqu’un, et de ne pas reconnaître que ses valeurs sont valables. Or l’universalité du donné où des sujets pourraient apparaître, c’est par définition la nature. Posée à partir du refus de discriminer réellement, la question devient donc celle de savoir si la nature permet la reconnaissance d’un tel redoublement, sans que cela constitue pour autant un fait de second ou de troisième degré qui donnerait raison de reconnaître.

A un premier niveau l’existence de valeurs ne pose pas plus de problème que n’en pose celle des normes naturelles. Ainsi pour tel organisme dont on n’a pas à supposer l’accès à une existence consciente, il y a des choses qui sont bonnes (plus ou moins) et d’autres qui sont mauvaises. Autant de types de vivants, autant de types de valeurs. Comme tel ce fait vital est exclusif du redoublement axiologique qui peut seul définir la valeur dans sa vérité (qu’elle soit valable) : le caractère bon ou mauvais d’un aliment pour un organisme considéré est bien plutôt un paramètre spécifique. Pour qu’on puisse parler de vérité des valeurs sans opérer le coup de force que serait la position en deus ex machina d’un sujet personnel qui serait l’homme, il faut donc se demander s’il n’appartiendrait pas à la nature d’être déjà et axiologiquement en échappement non seulement à elle-même, mais encore au fait de second degré qu’un tel échappement, s’il était réel, constituerait forcément.

La nature n’est pas seulement l’inertie des lois objectives et du métabolisme d’organismes fermés sur eux-mêmes : elle comprend aussi l’existence pour soi de certains vivants, en l’être desquelles, pour reprendre une formule phénoménologique célèbre, il va de leur être. Celui-ci cesse alors de s’entendre comme le tout premier fait à quoi tout peut, immédiatement ou réflexivement, être ramené, bien qu’en fait il continue forcément de devoir s’entendre ainsi.

C’est qu’il y a des êtres vivants qui ont peur, des êtres dont le fait immédiat qu’ils soient, autrement dit l’existence, n’est plus un simple fait mais bien une valeur – au sens où des valeurs peuvent être reconnues comme absolues, de ce qu’un sujet s’y constitue. Définissant la peur, la conversion de l’existence en valeur témoigne donc d’un sujet qui diffère déjà de son propre fait, puisque ce fait dont il se constitue est précisément cette même existence que suppose forcément le fait de se constituer. La réalité de la peur impose donc qu’on lui reconnaisse un sujet, un sujet qui s’entende en préalable à l’existence d’une manière qu’il faut dire juridique, puisque, par définition, le droit seul précéder le fait qui, d’être valable (comme l’existence, pour le vivant qui a peur) en relève. Ainsi l'” antériorité juridique au tout premier fait “, qui n’est pas un fait puisque tout fait relève d’abord du fait d’exister, est ce qu’on nomme le caractère valable et pas seulement factuel de l’existence, et donc aussi, dans le cas d’un vivant, des valeurs qui en sont corrélatives. Par la peur qui fait valoir le moment pourtant absolument premier de l’existence, se donne alors à reconnaître l’irréductibilité de la valeur, elle-même axiologiquement irréductible au fait d’existence que cela constituerait encore : son caractère valable, ou vrai.

Mais il ne suffit pas de reconnaître la vérité de certaines valeurs naturelles (par opposition à d’autres qui ne diffèrent pas de leur fait), il faut encore s’interroger sur la modalité de cette vérité, en tant que c’est précisément de valeurs qu’il s’agit. Par modalité axiologique, on a vu qu’il fallait commencer par entendre la différence du bon et du mauvais. Dès lors que les valeurs naturelles peuvent être vraies et pas simplement réelles, on explorera le paradoxe d’une possibilité naturelle du bien et du mal.

Du bien, ici, on ne peut rien apprendre. En effet, s’agissant d’abord des normes, nous pourrions seulement enregistrer le fait positif d’une adéquation (par exemple de la nourriture disponible au besoin). Qu’on veuille ensuite faire porter la question au niveau de la vérité, et l’on butera sur un obstacle de principe, qui tient à la nécessité pour l’irréductibilité de droit et non pas de fait qui définit la valeur à l’encontre de son propre fait, qu’elle relève d’une mise en cause du fait pourtant absolument premier. La positivité axiologique, excluant par principe une telle mise en cause, se trouvera donc du même coup exclue de la nécessité eidétique qui définit la valeur. Dans la nature il n’y a donc jamais que du plus ou moins bon. Du mal par contre on peut parler, une fois reconnue la tautologique antériorité du droit sur le fait (y compris le sien propre) parce que la notion générale d’une extériorité à l’être est celle de l’impossibilité ontologique radicale (rien ne saurait être extérieurement à l’être) dont on peut dès lors dire, puisqu’elle s’impose à l’encontre du devoir être en général qui définit la valeur, qu’elle est celle du mal. Interrogeons donc la constitution du sujet non plus seulement dans la valorisation de son existence par la peur, mais encore dans l’inhérence du mal à cette existence.

La négativité en quoi le sujet se trouve atteint comme tel, c’est la souffrance. D’un être susceptible de souffrir (celui-là même qui peut avoir peur), on pose donc qu’il témoigne de l’irréductibilité axiologique des valeurs, puisque la souffrance ne diffère pas du redoublement axiologique qu’elle est toujours pour elle-même, à la fois dans son principe et dans le fait même qu’elle concerne le sujet dans son être. Ce n’est en effet pas une simple dimension de la réalité qu’il y ait de la souffrance, mais c’est un mal – et un mal qui reste irréductible à son propre fait, puisque c’est encore un mal et non une occurrence neutre qu’il y ait le mal. D’où la nécessité qu’on pose l’irréductible irréductibilité axiologique des valeurs négatives, celles qui sont liées à la souffrance (irréductibles au fait même que cette irréductibilité constituerait encore) – une fois qu’en est assurée, par la peur et d’une manière en quelque sorte épistémologique, la possibilité (1). On notera que le fait de la souffrance est une raison de respecter, puisqu’il est littéralement le fait de l’irréductibilité d’un être à sa constitution naturelle. Il nécessite par conséquent un respect dont l’impératif est moral : un tel être n’est pas seulement une fin pour soi (un vivant) mais aussi une fin reconnue comme en soi, c’est-à-dire une dignité (2). Maintenant, cette nécessité morale se redouble d’une nécessité éthique qui tient à l’impossibilité pour ce fait qu’il se réduise lui-même à sa dimension factuelle : la position de soi pour soi (non pas certes comme cogitatio mais comme peur et souffrance) est forcément réfléchie dans une nécessité dont le tout premier fait lui-même, l’être, ait encore à relever.

Dès lors qu’un être est susceptible de souffrance, nous en faisons forcément un sujet de droit, originé qu’il est comme tel ” en deçà de l’être ” (du tout premier fait) c’est-à-dire dans la différence juridiquement (et non pas factuellement) irréductible du fait et du droit. Par cette référence originelle à l’impossibilité ontologique, c’est-à-dire parce que la peur et la souffrance font du vivant qu’elles affectent un être impossiblement originé, on signifie l’impossibilité absolue que le sujet qui en relève soit jamais ramené à ce qu’il est en fait. Autrement dit, on signifie la nécessité irréductible de le respecter, si par respect on entend la reconnaissance de ce qui est absolument irréductible non seulement au fait de son existence, mais encore au fait spécifiquement positif de son irréductibilité à son existence. Et en effet, le respect concerne des valeurs valables et non pas simplement réelles, celles-là dont c’est le même de dire qu’elles s’autorisent de la peur et de la souffrance, et de dire qu’elles sont impossiblement (” antérieurement à l’être “) justifiées.

Est-ce à dire que le respect d’un être reconnu à partir de la peur et de la souffrance renvoie lui-même à des valeurs déterminées, c’est-à-dire à la nécessité que cet être puisse toujours être supposé avoir raison ? On voit bien que non, puisque ces raisons renvoient seulement à la pure formalité juridique (à l’antériorité juridique comme impossibilité d’être jamais ramené au fait de son propre être) alors qu’avoir raison s’entend toujours originalement, et donc d’abord selon une définition matérielle de la vérité. La reconnaissance des bêtes ne renverra donc pas à la notion d’un vrai qu’elles pourraient être supposées avoir reconnu (3). D’un autre côté, nous savons pourtant que c’est le même pour la reconnaissance qu’elle soit personnelle (éthiquement nécessaire) et qu’elle puisse se réfléchir dans le renvoi à un absolu dont l’impossibilité à soi l’assure de sa juridicité. Dans quelle vérité l’obligation envers les bêtes peut-elle se penser ?

De se poser à partir de la peur et de la souffrance et non, comme dans le cas des êtres humains, à partir de la détermination positive d’options axiologiques, la question de la personnalité animale ne peut pas être celle d’un être qui aurait raison c’est-à-dire qui serait originellement mauvais, puisque c’est le même d’avoir raison et de s’autoriser d’une légitimité qui est toujours celle du mal (c’est seulement de son inhumanité qu’une personne humaine peut être reconnue, elle qui n’est jamais n’importe qui). L’éthique, en tant qu’elle s’oppose à la morale comme l’existence s’oppose à la représentation, n’est en effet pensable qu’à travers le paradoxe d’une légitimité irrécusable, et donc finalement abominable, du mal. Mais précisément : s’il n’y a de reconnaissance possible que dans la dimension du mal, cela ne signifie-t-il pas que les bêtes en soient exclues, elles dont les actions mauvaises, c’est-à-dire causes de peur et de souffrance, sont encore les moments d’une nature toujours innocente (le renard ne mange pas les poules parce qu’il est méchant, mais simplement parce qu’il est un renard) ?

Le mal, dont la notion est absolument impliquée dans celle de la reconnaissance personnelle parce qu’elle est celle de la mise en cause de l’être lui-même et qu’elle s’entend par là même à l’encontre du devoir-être qui définit l’idéal, peut être pensé au sens actif ou au sens passif : celui qu’on fait ou celui qu’on subit. Dès lors qu’un sujet en relève, c’est-à-dire échappe non seulement au fait mais encore à celui que cet échappement constituerait encore (la transcendance n’est qu’une façon particulière d’être quelque chose), que ce soit au sens actif ou au sens passif, sa reconnaissance s’impose comme personnelle. On doit par conséquent distinguer entre sujets actifs et sujets passifs, au sens juridique où l’on appelle passifs des sujets dont les droits s’imposent absolument sans qu’on puisse pour autant exiger d’eux qu’ils remplissent les devoirs correspondants (par exemples les mineurs, les personnes incapables). Concernés seulement par le mal qu’ils subissent (et par conséquent étrangers à la question de l’originalité de la vérité), les animaux apparaissent donc dans la reconnaissance irrécusablement personnelle comme des sujets de droit ” passifs “. La question n’est alors pas qu’une bête ait jamais raison mais de que nous ayons raison de la respecter. Si donc on demande de quelle vérité ultime cette nécessité s’impose comme personnelle, il faut répondre : la réalité du mal.

Car le mal existe, et c’est lui qui cause toute reconnaissance : il existe non seulement dans l’ordre des actes personnels où l’abominable légitimité dont il se constitue s’autorise de l’inhumanité du vrai, mais encore dans l’innocence même de la nature, qui est effroyable parce qu’elle est aussi bien l’impossibilité que la peur, la souffrance et la mort infléchissent jamais l’ordre aveugle des choses (4). Innocence encore mauvaise, par conséquent, interdisant de poser la question du mal d’une façon réalise, puisqu’elle n’est pas celle d’un tout dernier moment.

Libérer la question de la légitimité de celle du fait humain, et reconnaître comme vraiment digne de respect l’être qui a peur et qui souffre, c’est ce qui se traduira peut-être un jour par la cessation des traitements atroces que l’immense majorité des hommes infligent aux animaux – selon une nécessité analogue à celle de la pensée des Lumières, qui a permis qu’on aperçoive la monstruosité du fait pourtant si ancien et si évident de l’esclavage humain.

 

 

Notes :

 

(1) Cette assurance se traduit par l’impossibilité de concevoir aujourd’hui, c’est-à-dire une fois reconnus les ravages d’une conception à la fois universelle et positive de l’obligation, la morale autrement que d’une manière négative : gardons-nous de vouloir le bien des autres, tenons-nous en à combattre le mal qu’ils subissent, si nous en avons le courage. Or ce mal, nous ne pouvons plus le cantonner à l’humanité, maintenant que nous ne pouvons plus nous confondre avec la représentation que nous avons de nous-mêmes, celle-là même qui imposait qu’on se reconnût seulement obligé au respect de la représentation, et donc à celui du semblable. La corrélation déjà mentionnée entre l’impossibilité de s’identifier à celui qu’on croit être et l’impossibilité de refuser l’humanité à un autre être humain n’a donc elle-même sa vérité que dans l’impossibilité de limiter l’obligation morale aux seuls humains.

 

(2) Ce que Kant n’admet pas, la dignité se définissant à ses yeux à partir de la seule nature raisonnable. Pour qui identifie la vérité à la représentation il est donc exclu que l’être humain respecte ces ” autres êtres du monde qui ne sont point des hommes et peuvent lui servir d’instruments ” (Doctrine de la vertu, § 38).

Or cela ne laisse pas de poser problème, s’il est vrai que le choix de la définition représentative de la vérité (le choix de réfléchir et de s’en tenir à sa réflexion) échappe lui-même à la nécessité dont il est la position, dans cette impossibilité d’un ultime métalangage dont nous avons vu qu’elle était précisément la cause du sujet personnel. Concernant la reconnaissance, cela revient à dire qu’on ne peut nier la nécessité du respect des êtres non-raisonnables qu’à dénier une reconnaissance de leur irréductibilité pratique qui a de toute façon déjà eu lieu, puisqu’il s’agit dans la thèse réflexive d’instituer le respect comme ne concernant surtout pas autre chose que cette formalité qu’on est pour soi-même dans le moment où l’on réfléchit, alors que ce moment est justement l’épreuve subjective de l’irréductibilité d’un autre être à cette réflexion. N’importe quelle doctrine de la représentation, dont on a déjà vu à propos d’un article de Diderot à quoi elle conduisait pour les êtres humains, donne forcément lieu à pareille contradiction, et un florilège de ces textes pourrait facilement être établi (par exemple, pour Descartes, c’est en jouant ” de leur crainte, de leur espérance ou de leur joie ” (à Newcastle, 23 Nov. 1646) qu’on peut obtenir des animaux des comportements donnant l’illusion qu’ils ne sont pas que des machines). A chaque fois on montrerait l’antériorité d’une reconnaissance personnelle des bêtes sur la dénégation que la conception repré-sentative impose qu’on opère.

Pour en rester à Kant dont la doctrine est paradigmatique concernant la conception représentative, rappelons ainsi qu’il condamne la violence et la cruauté envers les animaux dont il reconnaît les souffrances, et qu’il va jusqu’à approuver ” la reconnaissance même pour les services longtemps donnés par un vieux cheval ou un vieux chien (comme si c’étaient des personnes de la maison [souligné par nous])… ” (ibid. § 17). Or on ne voit pas comment des ” choses “, selon le terme qu’il emploie si souvent et avec tant d’insistance à leur propos, pourraient susciter la cruauté ou la reconnaissance, pourraient donner des services, puisque ces notions n’ont de sens et de possibilité subjective qu’à propos de personnes. La dénégation consiste alors forcément à toujours mettre en avant la nécessité réflexive : ” il s’agit seulement d’un devoir de l’homme envers lui-même “, et plus précisément il s’agit, dans la “sympathie qui concerne leurs souffrances”, de ne pas affaiblir la ” disposition naturelle très favorable à la moralité dans les rapports aux autres hommes ” (ibid.). Mais il faudra bien nous accorder que les notions utilisées de souffrance, de sympathie, de reconnaissance et surtout de personne (même à titre de comparaison) sont parfaitement exclusive de cette conception seulement instrumentale, quand bien même elle aurait glissé du service de la vie humaine à celui de la moralité !

Un autre texte accentue encore la dénégation et, nous semble-t-il, fait apparaître l’essentiel de ce qu’il faut bien appeler mauvaise foi, à ceci près qu’elle relève d’une nécessité en quelque sorte transcendantale. Il se trouve page 80 de la Critique de la Raison pratique (P.U.F. 1971) : ” Le respect s’applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses. Les choses peuvent exciter en nous de l’inclination, et même de l’amour [souligné par Kant] si ce sont des animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.) ou aussi de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais du respect “. Ici encore la dénégation est flagrante, puisqu’il est principiellement impossible que des êtres suscitant l’amour soient, à l’instar de simples manifestations des forces naturelles, exclues du respect. Dans l’amour, l’essentiel n’est-il pas en effet, et seulement, que l’autre existe, et qu’il ne soit par conséquent jamais pensable que comme fin en soi ? Or la reconnaissance subjective de l’autre dans la seule essentialité de son existence définit exactement le respect. Instrumenter l’autre (le rapprochement entre choses et amour renvoie bien à la perversion) en ne le respectant qu’à la condition d’un respect qui soit seulement celui de la représentation, et devoir par là même dénier une reconnaissance personnelle qui a de toute façon déjà eu lieu sont les implications pratiques de la conception représentative de la vérité.

 

(3) A l’encontre de la nature qui n’est que sa propre impersonnalité, cette reconnaissance supposée renvoie à l’idée d’une culture ” absolument grande ” : l’idée de l’humanité.

 

(4)   Considérée du point de vue de la reconnaissance des sujets ” passifs ” de l’obligation éthique, c’est-à-dire du point de vue de savoir ce qu’il en est du mal qui cause notre obligation de respecter et de protéger les bêtes, la souffrance reste toujours originée dans la même indifférence de la nature : c’est le même pour elles(mais certes pas pour nous) de pouvoir être livrées à la méchanceté des hommes et à la nécessité innocente de processus naturels parfois épouvantables, puisque l’impossibilité qu’on les reconnaisse avoir raison se réfléchit comme l’impossibilité qu’elles reconnaissent quelqu’un avoir raison.

 

 

© Editions L’Harmattan, Paris