Cours du 21 novembre 03

 

L’énigme ou la dette de penser.

 

Rien n’est philosophique par nature, mais il y a du vrai, c’est-à-dire du philosophique, dans la nature. Telle est la contradiction qu’il faut lever, si nous voulons comprendre que quelque chose nous soit donné à penser. Or, que quelque chose nous soit donné à penser, c’est ce qui définit la pensée effective comme le paiement – ou le remboursement, c’est à voir – d’une dette. Penser et reconnaître actuellement sa dette, c’est pareil. Bref, par  » pensée « , c’est la vraie responsabilité, tout le contraire de la désinvolture qui consiste à s’estimer quitte, qu’il faut… penser. Car nous sommes aussi en dette envers la dette elle-même, ainsi que la corrélation des notions de vérité (il n’y a de vérité que vraiment) et de responsabilité (assumer sa responsabilité, c’est être encore plus responsable) l’indique expressément.

J’ai indiqué l’autre jour la voie qui s’imposait : admettre l’essentielle intransitivité de la philosophie. La question du vrai tient à cette intransitivité : il doit forcément y avoir quelque chose qui ait pour nature de donner à penser, et donc d’une certaine manière d’obliger à penser (puisque penser s’oppose à vivre), quelque chose qui soit déjà l’engagement de la pensée, mais dont on n’ait pas à supposer naïvement la préexistence. Bref, il faut distinguer dans l’antériorité tautologique de l’objet à son étude une antériorité réelle qui identifierait cette étude à une science, et une antériorité vraie qui assumerait la nécessité pour tout discours de porter sur quelque chose et d’en dire quelque chose, alors même qu’il est fait de sa propre intransitivité. Et que la philosophie, malgré sa réalité métaphysique, soit sa propre intransitivité, c’est ce que personne n’a jamais ignoré en distinguant depuis toujours le penseur du savant et d’autre part en avérant une histoire qui n’est pas la sédimentation de découvertes dont chacune totaliserait et assumerait les précédentes mais une suite de noms propres – en exclusivité paradoxale à toute éventualité de signification.

La question de la vraie antériorité, celle du philosophique comme tel, est par conséquent celle d’une donation qui soit indiscutablement donation de sens pour qu’une réflexion et par là un savoir en soit ultérieurement possible, et qui soit tout aussi indiscutablement donation de non sens pour qu’une méditation et peut-être une donation de vérité en soit nécessaire. Par le premier aspect nous reconnaîtrons la dimension métaphysique de toute philosophie et par le second nous en reconnaîtrons l’essentielle distinction, s’il n’y a de philosophie que métaphysique et si un texte n’est philosophique qu’à ce que sa dimension métaphysique ne compte pas.

Possibilité pour le premier terme et nécessité pour le second, disais-je : la dispense du savoir est toujours envisageable mais pas celle de la réponse. Dans notre lecture des auteurs, nous les dispensons désormais de savoir (le réel n’est pas comme le métaphysicien le décrit ? ce n’est certes pas cela qui nous empêchera d’étudier sa pensée !), mais pas d’avoir répondu (ce qui compte dans tel ou tel texte, c’est qu’il soit par exemple de Kant ou de Bergson).

D’avoir répondu quoi, sinon aux énigmes ?

 

L’énigme ou la distinction philosophique

Il y a des énigmes dans la nature, à commencer bien sûr par le fait même qu’il y ait la nature – du moins pour celui qui ne fait pas semblant de trouver naturel (ou surnaturel, ce qui revient au même à un degré de réflexion près) d’exister. Elles se donnent à nous dans cette première nécessité subjective qu’on appelle la méditation et qu’il ne faut pas confondre avec la réflexion, la première s’entendant comme effet de vérité à l’encontre de la seconde qui s’entend comme effet de savoir. Mais bien sûr il n’y a d’effet de vérité qu’à l’encontre d’un effet de savoir au moins possible : l’énigme est une interrogation et par conséquent une exigence de réponse, mais c’est l’exigence que la réponse qu’on donnera ne soit pas assimilable à un nouveau savoir s’ajoutant à celui que nous possédons déjà. En somme l’énigme réclame un savoir qui ne soit pas sédimentaire d’une manière ou d’une autre (totalisable comme une conception du monde, additionnable comme une information…), qui soit la réponse à l’énigmatique, précisément et non pas à l’inconnu ou au mystérieux.

Le paradoxe de l’énigme est par conséquent qu’elle exige un savoir qui soit la vérité, alors qu’il n’y a de vérité qu’à l’encontre du savoir et de savoir qu’en indifférence à la vérité. En ce sens l’énigme est toujours déjà sa propre distinction, puisque l’unité du savoir et de la vérité dont elle est expressément la revendication s’entend aussi bien comme la corrélation du savoir qui importe et de la vérité qui compte – celle-ci ne s’entendant jamais que de son unité disjonctive avec celui-là.

L’un distingué du savoir et de la vérité, c’est bien sûr à l’œuvre philosophique d’en être l’après coup : métaphysique en réalité mais ne faisant autorité que de la signature de son auteur, dont les concepts tirent paradoxalement du seul nom propre qu’ils soient philosophiques. La durée bergsonienne ou la réflexion kantienne ne sont ce qu’elles sont qu’en vérité c’est-à-dire que dans l’acte d’un sujet qui avère, de sa seule signature, qu’en effet c’est bien de philosophie qu’il s’agit – ainsi qu’on le voit à la limite avec les mauvais textes qu’on retrouve et qu’il faut impérativement publier. A l’un du savoir et de la vérité, qui est la nature de l’énigmatique, répond dès lors la coupure du savoir par la vérité qui est le philosophique : à l’interpellation du sujet à propos d’une réalité qui donne à penser répond la  » nomination  » d’un concept (la durée est  » bergsonienne « , par exemple) qui l’institue expressément comme concept vrai – attesté d’une signature – et pas simplement réel. Vrai, cela ne renvoie à aucun supplément de savoir, puisque le nom propre qui cause la vérité en le distinguant du savoir le fait de ce que tout savoir philosophique se constitue comme tel de pouvoir être interrompu ( » …enfin bref, la durée est bergsonienne « ).

L’intransitivité de la philosophie et sa distinction sont le même : pour le savoir commun, il faut une réalité extérieure qui lui donne raison ou un système social qui l’impose. Eh bien on nomme  » énigme  » une réalité naturelle (et certes, on savait avant Bergson qu’il fallait  » attendre que le sucre fonde « ) qui renvoie paradoxalement à un discours dont la réalité soit la transitivité (une élucidation de la durée, notamment dans son opposition au temps des horloges) mais dont la vérité soit intransitive. Car dire qu’ils sont philosophiques, c’est dire qu’on étudie ces textes sur la durée pour la seule raison qu’ils sont de Bergson, même si par ailleurs on leur accorde une valeur théorique c’est-à-dire représentative (mais justement : ça ne compte pas).

Cela signifie que personne ne confond le savoir et la pensée, ni même la pensée avec la production du savoir qu’elle est pourtant en réalité. Bref, personne ne méconnaît la distinction philosophique dont l’objet doit par là même s’entendre comme une réalité distinguée alors même que le propre de toute réalité est qu’elle soit commune. Pas de différence entre résoudre cette contradiction, penser la philosophie et penser l’énigmatique.

 

L’extériorité de l’énigmatique au savoir dont il relève

A reconnaître, dans et contre la suffisance du savoir, l’acte d’un sujet qui ne l’avèrera comme vrai qu’à ce que lui-même, ce sujet, ne s’en soit pas autorisé (le philosophe n’est pas un savant qui consigne et communique ce qu’il sait), on aperçoit qu’à toute énigme répond la reconnaissance en extériorité au savoir de sa résolution d’un certain sujet qui, de ne rien apporter de plus, sera pourtant dans l’inconsistance de son surcroît, la  » cause  » de l’énigme. C’est évident en philosophie : si la durée est par exemple de  » nature  » bergsonienne, il faut bien que d’une manière ou d’une autre Bergson soit la  » cause  » d’un caractère énigmatique que, peut-être (et en tout cas dans sa radicalité) il a été seul à reconnaître.

On le voit en dehors de la philosophie dans toutes les réalités qui en appellent à la réponse, et ainsi à l’avènement puisqu’il s’entend de sa propre responsabilité, d’un sujet. Les rêves et plus généralement les  » formations de l’inconscient  » sont des énigmes, mais ils ne le sont que par ce  » roc  » ou cet  » ombilic  » d’irréductibilité qui interdit à leur interprétation d’en être le dernier mot, et qui oblige le savoir légitime qu’on peut en produire à laisser malgré tout ouverte non pas la question du sujet qui ne serait alors que celle d’une structure mais la question que le sujet restera pour lui-même. Il est ce qu’il est, d’accord. Mais ça ne compte pas. Et c’est précisément en cela qu’il est un sujet – ou encore : c’est en cela que les  » formations de l’inconscient  » sont des énigmes.

Comment, sinon, distinguer le sujet de son désir, en tant qu’il s’agit précisément de son désir ?

Et comment nommer cette restriction, sinon distinction ? Car dire d’une personne qu’elle est distinguée, c’est reconnaître une réalitédont on ne niera même pas qu’elle l’épuise (tout dans le bourgeois distingué est bourgeoisie, et pas seulement son argent – qui n’est d’ailleurs pas indispensable), en même temps que c’est nier que cette réalité soit la vérité de la personne qu’on désigne. La vérité n’est rien d’autre que la réalité mais elle n’est pas la réalité, voilà ce dont nous faisons l’épreuve dans la rencontre d’une personne distinguée : l’épreuve d’une ouverture radicale entre réalité et vérité, qui ne soit pas production d’un écart qui oppose ceci (vérité) à cela (réalité). Et c’est d’imposer cette reconnaissance contre un savoir potentiellement exhaustif qu’un sujet ou un objet est distingué.

L’énigmatique, c’est toujours du distingué, c’est-à-dire de l’ouvrant – si l’on peut nommer ainsi l’opérateur de l’ouverture inconsistante entre vérité et réalité.

Or la vérité, pour un sujet, s’entend forcément d’un effet de parole. Impossible par conséquent de reconnaître une réalité pour énigmatique sans y entendre sa propre désignation comme sujet, laquelle désignation est une advenue de soi dont une parole soit la cause. Je dis alors que répondre à cette parole, autrement dit ne pas faire semblant d’ignorer l’impossible ouverture effectivement produite, c’est penser. Car celui à qui sa reconnaissance parle, elle le désigne comme sujet c’est-à-dire qu’elle est dans sa  » parole  » même (au sens où il y a des choses qui nous parlent et d’autres qui ne nous disent rien) l’indication que c’est de son acte de sujet que la réponse à l’énigme reconnue tirera sa vérité. Or la vérité, justement de s’entendre à partir de l’impossibilité que le savoir y soit jamais identifié, il faut l’entendre à partir de l’acte personnel – par opposition à l’action que n’importe qui accomplirait et qui est encore du savoir effectué. En somme, l’énigme n’exige pas n’importe quel savoir, mais un savoir dont la promotion soit un acte.

 

Tout peut être énigmatique, mais pas n’importe quoi

D’où cette première impossibilité que l’énigme ait un objet privilégié. Car poser qu’ en elle c’est de distinction et non pas de différence qu’il s’agit revient bien à exclure d’avance tout caractère différenciant l’énigmatique de ce qui ne le serait pas. S’il y avait des choses énigmatiques et d’autres qui ne le sont pas, il y aurait forcément un savoir de cette différence (on pourrait justifier d’accepter ceci et de refuser cela) et l’énigmatique s’entendrait depuis l’exigence de ce savoir – par quoi il serait une chose inconnue voire mystérieuse, mais en tout cas pas énigmatique !

Il semble donc qu’on puisse conférer le statut d’énigme à n’importe quoi : ce serait affaire de conversion du regard. De même qu’on peut trouver de la beauté dans les choses les plus misérables et les plus triviales dès lors qu’on  » prend  » leur  » parti  » contre la méconnaissance et l’emprise habituelles (Ponge), on pourrait reconnaître en toute chose une dimension énigmatique. Et certes, une grande partie de ce qu’on nous présente sous le nom d’ » art contemporain  » relève de cette possibilité que l’artiste aurait en quelque sorte de nous laver le regard, de nous faire voir des choses anciennes avec des yeux nouveaux et d’en être étonné. Et il est certain que l’étonnement (par opposition à la surprise qui atteste simplement de l’insuffisance du savoir anticipateur) peut être rapporté à l’énigmatique en tant que tel. D’un autre côté je ne peux pas dire d’emblée que la présence de ce stylo sur ma table soit énigmatique, ni que le stylo ou la table constituent, dans leur existence ou leur réalité, des énigmes ! A moins bien sûr de me forcer à y voir des représentants de l’énigme générale d’exister…. Mais alors ils ne comptent pas, et l’énigme en question n’est plus qu’une idée d’énigme qui me vient à leur propos – ainsi qu’on le voit, encore une fois, dans nombre de productions  » contemporaines  » qui sont simplement des impostures prétentieuses, puisqu’elles reposent sur le principe de faire valoir le concept contre la chose et par là d’être sans égard pour la chose elle-même. Et là où il n’y a aucun égard, il est hors de question qu’on y reconnaisse jamais de la vérité : dans ces productions il n’y a pas d’énigme, mais seulement l’idée qu’on devrait y voir une énigme – ou plus exactement la sommation d’en apercevoir une (car le spectateur n’est bien sûr pas plus respecté que la chose dont on nommera  » concept  » – et de quelle indigence, le plus souvent !– qu’on la bafoue). Ce qui devrait expressément être énigmatique ne l’est donc pas du tout.

Il y a donc une difficulté qu’on peut résumer en disant d’une part qu’il est impossible que l’énigmatique se caractérise par un trait particulier justifiant qu’on fasse de l’énigme une catégorie, et d’autre part en disant que l’impossibilité éthique de déposséder la chose elle-même interdit qu’on inverse la proposition en posant que n’importe quoi peut se donner énigmatiquement.

On résout la difficulté par le paradoxe de la distinction comme propriété (être le propre de) : de même qu’il y a des personnes dont il est impossible de ne pas reconnaître la  » distinction  » à travers une manière de marcher dans la rue, de ne pas être encombré de soi-même, et surtout à travers une sensibilité qui est sensibilité aux distinctions (par opposition au connaisseur qui est sensible aux différences éventuellement minuscules), de même doit-on admettre qu’il y a des réalités distinguées. Et comme toute distinction l’est originellement de la réalité et de la vérité, il faut poser que les réalités distinguées sont celles dans lesquelles la distinction de la vérité est toujours déjà engagée.

C’est cette antériorité, parfaitement évidente dans le cas des objets philosophiques constitutivement marqués depuis toujours d’un certain nom propre que le philosophe aura été seul à entendre et qu’il restera seul à ne pas pouvoir énoncer (par exemple Bergson peut tout dire de la durée sauf sa vérité, à savoir qu’elle est de  » nature  » bergsonienne), qui interdit de confondre tout avec n’importe quoi.

Ma réponse est plus concrète qu’il ne paraît, si l’on veut bien se souvenir que dans le cas de l’énigme qui est une demande de savoir, ce n’est pas le savoir qui compte mais l’avènement, de son point d’extrême, là justement où il ne compte pas et où on dira par conséquent on dira que le sujet est appelé. Dans une formulation qui nous est maintenant familière, on désignera par conséquent comme énigmatique une réalité pour laquelle il faut se décider, par opposition à une autre qu’on pourrait avoir eu les meilleures raisons de choisir. Et certes, on ne décide que là où le savoir est en quelque sorte épuisé, soit qu’il manque tout simplement soit au contraire qu’il soit trop bien réparti – comme quand il y a autant de raisons de prendre un parti qu’un autre, qu’on hésite et qu’un compagnon, excédé, finit par nous lancer « mais enfin, arrête de réfléchir et décide-toi ! « .

Bien que l’impossibilité de faire de l’énigme un trait d’identification interdise d’inclure ou d’exclure des réalités de l’éventualité d’apparaître comme énigmatique, on se trouve contraint d’admettre que seules les réalités distinguées le sont : celles qui réclament de nous une décision subjective quand toutes les autres (éventuellement les mêmes, par ailleurs) ne constitueront jamais que des possibilités de choix. Et une décision, on la signe – n’en étant précisément une que par là.

Dans le monde humain, l’œuvre apparaît comme le parangon de l’énigme, puisqu’à chaque fois il faut décider que c’est une œuvre ! Ce qui signifie très concrètement que la plupart des œuvres ne sont pas reconnues par nous, qui nous fions simplement à leur renommée : celles qui le sont nous ont désignés par la décision qui s’est toujours déjà prise en nous de les reconnaître comme telles. On sait en effet qu’à l’encontre du choix qui s’entend de sa propre présence (arrive un moment où le plateau de la balance penche d’un côté) la décision s’entend de sa propre antériorité (décider, c’est prendre conscience que la décision est déjà prise au fond de soi depuis un moment). Disons alors que c’est de notre propre étrangeté que l’énigmatique s’autorise pour nous interpeller : c’est une sommation à assumer cette étrangeté.

 

Dans l’ordre naturel, il y a pareillement des choses qui nous mettent au pied de notre propre mur : pour la plupart des gens, le fait qu’en général il y ait  » l’étant et non pas plutôt rien  » est la chose la plus banale du monde. D’ailleurs pour eux-mêmes, ils trouvent normal d’exister, et ne s’étonnent pas qu’existent les personnes qu’ils prétendent aimer ni les œuvres qu’ils prétendent apprécier ! L’idée même de l’existence est à leurs yeux celle d’une trivialité portée à son comble, de ce qui va toujours déjà de soi. Et certes, ils ont raison de ne pas se sentir interpellés par une question qui est une lubie de philosophe, à peine un paradoxe logique, et qui ne leur dit absolument rien : elle ne les met au pied d’aucun mur dont ils accepteraient d’être les maçons. Et pour cause : ce mur, à la fin, il faudrait en signer l’élévation, puisqu’elle aura été une réponse, c’est-à-dire une institution subjective de soi, à une interpellation à laquelle il est donc préférable d’être sourd.

L’énigme est l’exigence d’un savoir qui soit en propre le manque de la vérité – ou qui soit la vérité comme manquante – et dont on reconnaisse par là même la position comme un acte. Voilà comment nous pouvons réfléchir l’idée d’une réalité distinguée c’est-à-dire énigmatique.

C’est ainsi qu’un sourire ou un regard peut être énigmatique : qu’est-ce qu’elle me veut ? qu’est-ce qu’il sous-entend ? De quelle complicité prometteuse ou ignoble, flatteuse ou avilissante est-ce déjàl’engagement ? Bref : en quoi suis-je déjà engagé – sans que je le sache ? Un visage croisé dans la rue peut être énigmatique aussi : de quelle dimension atroce ou sublime de la condition humaine porte-t-il la marque ? Mais la condition humaine, c’est la mienne ! Et vers quel effroi sa reconnaissance est-elle susceptible de me conduire ?

Terminons pour aujourd’hui en disant que le philosophique est l’énigmatique et que celui-ci s’entend expressément de ce non savoir qui est mon interpellation comme sujet préalable en elle : mon advenue à moi-même comme sujet déjà avéré sans moi.

Là où je ne suis pas sans savoir que je suis sans qu’il me soit pour autant possible de me reconnaître est l’énigmatique.

En quoi je dois bien reconnaître une dette : là où j’ai à être, je suis déjà, mais sans le savoir.

En somme c’est le même de ne pas faire semblant d’ignorer les énigmes et de ne pas être désinvolte envers la dette originelle que chacun de nous est personnellement quand nous refusons de confondre le fait métaphysique d’être soi avec la nécessité éthiqued’avoir à le devenir.

J’appelle  » énigme  » le réel de la dette que chacun a toujours déjà contractée envers sa propre impossibilité.

Je vous remercie de votre attention.