L’autorité et le mal
L’autorité advient à sa propre réalité quand elle n’est pas approuvée. Si on approuve une autorité qui s’exerce sur nous, comme quand l’étudiant approuve le professeur de demander que la leçon soit apprise pour la prochaine fois, elle n’apparaît pas comme telle parce qu’elle renvoie à l’égalité, à la concertation, à l’accord : celui qui ordonne fait exactement ce que je ferais si j’étais à sa place, de sorte qu’il est mon semblable et par conséquent mon égal devant un problème qui aurait pu être le mien. Mais l’autorité n’est pas horizontale, elle est verticale ; elle n’est pas un rapport entre égaux ni même un rapport entre inégaux : elle est l’inégalité en tant que rapport.
Cela signifie que c’est seulement à rendre ce rapport réel que l’autorité est l’autorité. Et cela, c’est la violence : chaque fois qu’il y a autorité (et même si le social commande de le dissimuler autant que possible), l’autorité du supérieur consiste à réduire à rien l’autorité de l’inférieur, c’est-à-dire à faire qu’il ne compte pas. La question de l’autorité est donc celle du mal.
Attachons-nous à comprendre ce que cela signifie.
Faire autorité, c’est faire que le bien ne compte pas
La tautologie dit l’autorité comme telle : le chef commande parce que c’est le chef et ses décisions s’imposent parce que ce sont ses décisions. Et certes, c’est bien la même chose de le rappeler et de rappeler qu’aucun argument, dont l’énoncé est précisément le contraire d’une tautologie, ne peut s’imposer. Les raisons n’ont jamais que la valeur consultative que le décideur décide de leur accorder ou de ne pas leur accorder, de sorte que leur valeur est nulle par principe, si pertinentes qu’elles soient par ailleurs. Faire autorité, c’est faire que la valeur des arguments soit nulle. Autrement dit c’est faire que le savoir ne compte pas.
Or que le savoir compte, autrement dit qu’il fasse autorité, nous avons appris en réfléchissant sur la notion de vérité que c’était une définition : celle du bien.
Rappelons quelques exemples qui le mettent en évidence. Si la voiture démarre le matin, c’est parce qu’elle ne résiste pas à son concept, lequel est par définition un élément de savoir : le conducteur qui part au travail est satisfait que le concept de voiture fasse autorité sur la voiture, et c’est exactement cela, qu’elle fonctionne bien. Quand elle tombe en panne, c’est le contraire : ce même concept est empêché de faire autorité sur la voiture (c’est une « automobile » et pourtant elle refuse de bouger !). Ainsi en va-t-il également quand nous sommes malades : dans sa réalité un de nos organes n’obéit plus au savoir qu’on a de ce qu’il est (la définition du foie est de secréter la bile or il ne le fait plus). Cela vaut a fortiori pour l’organisme tout entier : c’est un vivant, et pourtant il se meurt. Dans les questions théoriques, l’argument continue de valoir : qu’est-ce en effet qu’une bonne conclusion, sinon celle qu’imposent les raisons – par opposition à une mauvaise où, au contraire, elles auraient été empêchées de faire autorité ? Quant à l’aspect moral des choses, on l’exprimera en rappelant que bien agir consiste précisément à faire ce que l’idée d’humanité commande qu’on fasse et que faire le mal consiste à faire que cette idée ne fasse pas autorité sur notre conduite. Bref, quels que soient manière et le domaine, le bien n’a jamais qu’une seule définition qui est « l’autorité du savoir ».
Toute autorité particulière est donc l’autorité de bafouer cette autorité qui, étant le bien, justifierait : « je ne veux pas le savoir » hurle l’adjudant auquel un retardataire tentait d’exposer les raisons qui l’auraient excusé. Ainsi appartient-il statutairement au supérieur de balayer toute remarque de l’inférieur concernant non seulement la pertinence d’un ordre (« je ne vous demande pas votre avis ! ») mais encore la compatibilité de son exécution avec la réalité (« vous dites qu’il y a des centaines de pages à lire et des dizaines à rédiger ? cela ne me regarde pas : il faut que ce rapport soit sur mon bureau demain matin ! »)
Que beaucoup d’autorités soient au contraire celles d’imposer le bien, comme dans l’exemple des parents qui imposent à l’enfant une vaccination qu’il refuse mais qui lui permettra d’être en bonne santé, ou dans celui du maître qui impose à l’écolier d’acquérir le savoir qu’il refuse mais qui lui permettra d’accéder plus tard à une pensée personnelle, c’est ce qui ne change rien à l’essence de l’autorité qui est le mal parce que son imposition est la violence et qu’une autorité qui ne s’impose pas en dépit des bonnes comme des mauvaises raisons n’en est tout simplement pas une.
La dernière fois on a donné des exemples, qui peuvent être indéfiniment réitérés : l’autorité d’embaucher, c’est l’autorité de licencier ; l’autorité de nourrir, c’est l’autorité d’affamer ; l’autorité de faire vivre, c’est l’autorité de faire mourir, et ainsi de suite. De sorte que c’est arbitrairement qu’une autorité est du côté du bien quand elle l’est, l’autorité consistant précisément à faire qu’il ne compte pas
L’argument est donc simple : il est contingent que l’autorité le soit du bien, alors qu’il est impossible qu’elle n’ait pas la violence pour réalité et qu’il est impossible que la violence, qui consiste à bafouer une autorité d’être soi, ne soit pas le mal.
Faire que ce qui importe ne compte pas
Faire autorité, c’est opposer ce qui compte à ce qui importe. Cela vaut en soi : pour une entité quelconque, ce qui compte est ce qui l’institue comme sujet d’imputation, contrairement à ce qui importe, par quoi elle est instituée comme sujet d’attribution. Par exemple ce qui compte dans une entreprise commerciale, c’est le profit ; mais ce qui importe est que les produits soient de bonne qualité et que les clients soient satisfaits. Autre exemple : à l’école, ce qui compte, c’est que le savoir soit transmis ; mais ce qui importe est que les élèves s’épanouissent et que les maîtres travaillent dans de bonnes conditions. Le modèle le plus évident de l’autorité est fourni par le chef. Qu’est-ce en effet qu’être un chef, disons un officier en tant de guerre sinon distinguer ce qui compte de ce qui importe ? Par exemple : ce qui compte est de reprendre cette colline à l’ennemi ; ce qui importe est de le faire en perdant le moins possible de soldats. On a dit que ce qui comptait rendait responsable : c’est précisément parce qu’il ne se demande pas s’il faut reprendre cette colline (il en a reçu l’ordre) que l’officier est responsable de la limitation des pertes humaines.
En quoi la distinction ce qui compte et de ce qui importe est-elle un des aspects de la question du mal ? En ce qu’elle consiste à faire que ce qui importe ne compte pas ! Ainsi dans l’exemple qu’on vient de prendre : « on fera le maximum pour limiter les pertes humaines, évidemment, mais enfin ce n’est pas cela qui compte ».
Qu’est-ce qui importe, en effet, dès lors que c’est ce qui suppose qu’on soit sujet par opposition à ce qui compte et qui nous institue comme tels ? La réponse est évidente dans tout ce que l’on considère : à chaque fois le bien du sujet (ou le bien au sens moral si l’on considère en général le sujet qui se réfléchit). Être sujet, en tant que c’est relever d’une autorité, autrement dit en tant que c’est l’assujettissement qui fait le sujet (il ne tombe pas miraculeusement du ciel – ce qui de toute manière serait encore un assujettissement), c’est avoir la responsabilité que son bien ne compte pas : c’est avoir expressément pour affaire propre que son bien ne compte pas. Être soldat, par exemple, c’est être institué comme sujet par l’armée (on est un « militaire ») : c’est avoir pour responsabilité de tenir son poste. Mais qu’est-ce que cela veut dire, sinon avoir pour responsabilité le refus d’essayer de sauver sa vie quand l’ennemi attaquera ?
En nous causant comme responsables, et donc en nous instituant en sujets, l’autorité nous donne l’étrangeté à soi, et donc à son bien, comme condition originelle. Et certes si c’est quelque chose qui compte (par exemple la victoire dans l’exemple du soldat) alors ce n’est pas autre chose (par exemple rester vivant). A l’autorité qu’on reconnaît, il appartient donc essentiellement que notre mal en soit l’accomplissement, et inessentiellement que ce soit notre bien.
Ce qui compte pour nous, c’est par là même ce qui fait que notre bien ne compte pas. Cela signifie que notre réalité est du côté de notre bien mais pas notre vérité. Les « moments de vérité » en sont la reconnaissance (qu’en général on se dépêche d’oublier).
La possibilité et la limite de vivre
Dans les faits, on l’a dit également, les autorités se limitent, c’est-à-dire se bafouent quand elles s’exercent en même temps. Ainsi l’autorité d’un gouvernement (qui peut prendre sur lui de bafouer celle du parlement) sera-t-elle limitée par cette autre autorité qu’est l’opinion publique, et/ ou par cette autre que sont les marchés financiers, etc. C’est ce qui fait que nous pouvons vivre et que l’essentielle récusation du bien par l’autorité se réalise en dépit d’elle-même dans son fréquent service.
Sauf qu’il ne faut jamais oublier qu’il y a une autorité suprême : en principe celle dont relèvent les autres autorités quant à être des autorités, et en fait celle qui les aura réduites. Cela s’appelle la souveraineté, dont la notion appartient donc à l’autorité en général – puisque sa notion est qu’elle s’impose inconditionnellement.
Qu’est-ce que le souverain, qu’en principe nous identifions au peuple mais qui peut être aussi l’exécutif qui détient la souveraineté sans avoir de compte à rendre ou, pour un temps qui peut être l’ultimement décisif de quelqu’un, le petit voyou du coin de la rue avec son couteau ? Ce qu’on vient d’apprendre sur l’autorité nous le dit : le souverain est le sujet pour qui l’alternative que vous vivions ou que nous mourions n’est rien d’autre qu’une question d’« expédient » (le mot est de Rousseau) – celui dont le « bon plaisir » duquel est la décision que nous vivions ou que nous mourions. Là est l’autorité : dans cette notion du « bon plaisir » dont usaient les rois pour dire qu’en face d’eux nous ne comptions absolument pas, et que pour eux il revenait exactement au même que nous vivions ou que nous mourions.
Faire autorité c’est faire que le mal soit l’originel du sujet
La définition minimale de l’autorité est qu’elle soit « la cause de la responsabilité » et par conséquent qu’on puisse y voir à chaque fois l’« institution en sujet » : un être ayant en même temps à répondre de ce qu’il fait et à répondre de le faire. Or ce n’est jamaisdu bien ni de l’avoir fait qu’on a à répondre : c’est toujours d’avoir mal travaillé, d’avoir enfreint la loi qu’on aura à répondre – et seulement de cela, comme si le mal était cela seulement dont nous puissions être sujet. Et de fait : être sujet du bien, c’est faire ce qu’on sait qu’il faut faire, ce qu’il est normal et donc insignifiant qu’on fasse.
Est particulièrement significative la distinction de l’erreur et de la faute, en tant qu’elle est elle-même un acte d’autorité. Prenons le plus banal des exemples : l’orthographe, qui n’est pas simplement un ensemble de règles et d’exceptions mais, comme le mot l’indique, une autorité. Cela signifie qu’elle fait de nous des scripteurs non seulement réels mais responsables : responsables non seulement de ce qu’ils font (par exemple mettre deux m à bonhomie) mais encore de le faire. Or la conséquence de cette distinction est énorme : nos erreurs en ce domaine ne sont pas des erreurs comme ce serait le cas si l’on restait au premier niveau (on a mal orthographié parce que notre compétence était insuffisante) mais bien des fautes. Mal orthographier les mots constituerait des erreurs si l’orthographe avait simplement de l’importance (par exemple pour faciliter la lecture) ; mais non : il compte puisqu’il est l’autorité qui décide de nous en tant que scripteurs. Aussi ne parle-t-on jamais d’erreurs orthographiques, comme c’est pourtant la réalité des choses, mais bien de fautes d’orthographe : en faire n’est pas l’effet d’une ignorance dont on serait innocent (tout le monde a des lacunes) mais c’est la démonstration d’une culpabilité dont on a obscurément le sentiment d’avoir à répondre et de ne pas pouvoir le faire. Le mal en nous est irréductible : sa radicalité est mise à nu.
On comprend facilement qu’on soit institué comme sujet du mal radical : si les raisons comptaient, un sujet ne serait rien d’autre que la somme de ses excuses ! Il n’y aurait donc jamais personne pour être responsable de quoi que ce soit, ni par conséquent d’autorité. Chacun témoigne de cette nécessité en se défaussant de sa culpabilité au moyen d’un transfert sur le savoir dont il fait l’élément qui aura manqué. On le dit de manière expresse : « si j’avais su, ou si j’avais su qu’il fallait savoir, j’aurais fait autrement ». Or que, dans une situation donnée, le savoir ait manqué, ce n’est évidemment la faute de personne. On comprend donc que ce soit la même chose de reconnaître que quelqu’un était l’autorité de ce qui relevait de lui (= en était le sujet) et de dire que, par là même (c’est-à-dire en faisant autorité), il a fait que le savoir ne compte pas, ne fasse pas autorité, bref qu’il n’y ait pas le bien. Que le bien ne compte pas, c’est l’indifférence ; faire que le bien ne compte pas, c’est le mal.
Cette propriété est universelle ne vaut pas seulement pour les sujets que nous sommes : elle détermine la notion de sujet même quand on la considère abstraitement, au sens du sujet de l’attribution, du sujet logique ou grammatical. On la met facilement en évidence en rappelant que les choses s’appréhendent selon le savoir dont elles relèvent et dont on peut dire ainsi qu’il les « assujettit » : « l’essence » est ce dont relèvent les choses quant à être les choses qu’elles sont. On traduira donc ce qui précède en disant qu’il appartient à celle-ci de constituer ce dont elle est l’essence en entité plus ou moins mauvaise. Dire en effet qu’elle relève d’une autorité qui est son essence, c’est faire apparaître sa réalité comme le manquement à cette autorité autrement dit comme le mal. Car dans son cas, exister consiste indéniablement à faire que l’autorité de l’essence soit bafouée. N’importe quel exemple le rend évident. Nous posons en effet la question : dire que l’idée d’un couteau est qu’il coupe, est-ce que cela ne revient pas à dire que sa réalité est qu’il coupe plus ou moins bien c’est-à-dire en fait plus ou moins mal ?
L’amour donc le mal
Que notre bien ne compte pas, et que par là – puisqu’il est notre réalité – on ne soit pas soi-même quelque chose qui compte, c’est ce qui introduit dans cette problématique une étonnante notion : l’amour.
La nature de l’amour n’est pas le sentiment, comme on imagine, mais l’autorité : celle de l’autre qu’on a non pas choisi (en quoi il s’agirait de notre bien) mais élu (en quoi la question de notre bien a chu), l’autre dont on a dès lors accepté d’avance qu’il décide de nous…
Faire que le bien ne compte pas, c’est évidemment le mal. Avec stupeur nous découvrons que c’est aussi l’amour au sens où en celui ou celle que nous aimons, et dans l’élection que nous en faisons, c’est de notre mal qu’il s’agit, puisqu’aimer quelqu’un consiste à faire que notre bien ne compte pas. (L’aurions-nous choisi, que c’est de notre bien qu’il se serait agi.)
Notre bien de sujet particulier, mais aussi le bien, qui est notre affaire de sujet en général…
Posons en effet la question : à quoi est-on disposé quand on aime ? Qu’est-ce qu’on est d’accord pour faire, dès lors qu’en nous ce n’est plus nous qui comptons mais l’autre ? Tout le monde connaît la réponse, effrayante : quand on aime, on est non seulement disposé à subir le mal – qui a jamais ignoré qu’aimer, c’était souffrir ? – mais on est disposé à le faire : on tuerait pour ceux qu’on aime, s’il le fallait (et donc à la limite s’ils nous le commandaient, et pour la seule raison qu’ils nous le commanderaient…) Aimer, en effet, c’est être prêt à tout et à n’importe quoi pour ceux qu’on aime.
Reconnaître le mal dans l’amour semble contradictoire, et pour une raison de principe : le mal est ce qu’on a toujours tort de faire alors qu’on a toujours raison d’aimer. Cependant la contradiction qu’on se représente s’abolit dans la même impossibilité de la représentation : de même que le mal est de faire ce qu’on ne peut pas justifier qu’on fasse (pour le faire, il faut se cacher et d’abord à ses propres yeux en se cherchant des excuses), de même l’amour est d’aimer ce qu’on ne peut pas justifier qu’on aime(sinon on l’aurait choisi, or on l’a élu). Dans les deux cas il s’agit de l’épreuve qu’on fait d’être incompréhensible pour soi : sur le mode d’avoir forcément tort dans le premier cas, sur le mode d’avoir forcément raison dans le second.
Positivement ici et négativement là, il s’agit donc de la même question : celle de la vérité, dont cette irréductibilité au savoir montre qu’elle ne nous concerne pas dans notre responsabilité de sujet (à ce niveau c’est l’exercice de la compétence qu’on appelle responsabilité) mais dans notre responsabilité d’être sujet. Qui niera qu’en l’alternative d’avoir absolument tort ou absolument raison, c’est de la vérité et d’elle seule qu’il va ?
Il est facile de déterminer dans l’a priori de la vérité cette responsabilité d’être sujet, qui est notre autorité d’être nous-mêmes : le mal consiste en ce qu’elle s’impose – ce qui consiste forcément à réduire en s’y substituant une autre autorité d’être soi ; au contraire l’amour consiste en ce qu’elle se dépose – ce qui consiste forcément à faire qu’une autre autorité d’être soi la réduise en s’y substituant.
S’imposer en haïssant, c’est faire le mal ; se déposer en aimant, c’est y consentir[1].
Conclusion
Être sujet, c’est être assujetti autrement dit relever d’une autorité, laquelle est donc première. Pour nous, c’est celle du langage qui nous a définitivement mis à l’extérieur de nous-mêmes, qui a fait que ses nécessités soient notre pensée et qui a pour toujours exclu que notre question soit celle de notre bien – ainsi que celle du bien au sens moral – celui-ci étant la question du seul sujet que, par le langage, nous nous représentons être (et que nous ne sommes donc qu’en représentation). Or l’autorité dont nous relevons n’est autorité qu’à faire autorité : qu’à s’imposer. Cette imposition se fait en dehors de tout sens puisque l’autorité n’est que sa propre imposition. On y reconnaît la vérité, dont la notion ultime est l’alternative d’avoir absolument tort (de faire le mal), ou d’avoir absolument raison (d’aimer). Et certes toute autorité est vérité car si c’est bien d’une autorité qu’on parle, elle est inséparablement ce à quoi on a raison d’être assujetti et ce que nous serions irresponsables envers nous-mêmes de récuser. Tel est par conséquent le noyau de notre condition, à nous qui ne sommes des sujets, inséparablement des répondants de ce qui relève de nous et des répondants de ce que cela en relève : que dans l’a priori de la vérité (qui n’est donc pas un « signifié transcendantal » qui permettrait de tout comprendre, pas un ultime savoir ni une dernière révélation) nous soyons toujours-déjà en imposition de soipour la récuser en nous récusant nous-mêmes par le service notre bien ou celui des idéaux, ou en déposition de soi pour faire du vrai notre affaire. Nous venons de comprendre que l’horizon de cette nécessité s’appelle le mal.
Jean-Pierre Lalloz
[1] Rappelons que consentir n’est absolument pas accepter : c’est seulement arrêter de refuser.