Cours du 8 avril 05
Qu’est-ce qu’une plainte ? (2)
Par opposition à la douleur qui est celle de l’existence, la souffrance est l’incidence de la vérité dans la vie, et c’est par la vérité qu’un sujet en est un, qu’il se distingue du vivant asservi à la nécessité des biens qu’il est par ailleurs. Toute souffrance divise donc le sujet entre sa réalité qui est son rapport à son bien et sa distinction qui est, selon la vérité qui le cause, son rapport à lui-même comme sujet – puisqu’il n’y a pas de différence entre être sujet, avoir à en être un, se rapporter au fait qu’on en est un, comme le marque la notion de responsabilité. Au-delà des raisons de se plaindre, et qui renvoient toujours à des empêchements d’être sujet dans tel ou tel domaine ou dans la structure elle-même, il y a donc une raison essentielle de se plaindre qui est qu’on soit sujet – puisqu’être sujet c’est avoir à l’être et par là éprouver les difficultés correspondantes. Et il est sûr que la question de la plainte est aussi celle de l’épreuve : si le sujet est fait de sa propre impossibilité, c’est le même de se plaindre d’être sujet et de se plaindre d’être éprouvé. On peut donc définir la plainte comme le discours de l’épreuve, laquelle est toujours celle d’être sujet.
De cette référence à l’épreuve, il suit qu’on se plaint donc toujours d’un certain futur antérieur : d’abord qu’il impose sa nécessité dans la forme d’un « j’aurai été sujet » au-delà de l’épreuve d’être sujet, et ensuite que celle-ci soit barrée, obturée par des réalités qui la laissent donc en… souffrance, souffrance qui est donc l’épreuve proprement dite. Car souffrir ou être éprouvé comme sujet, c’est pareil. Bref, il faut mettre en corrélation l’idée qu’il n’y a de sujet que causé par la vérité et l’idée qu’il n’y a de sujet qu’en souffrance, que dans l’épreuve d’être sujet – et d’être le sujet qu’on est. La plainte est le dit de cette corrélation.
Disons la même chose autrement : le statut de sujet en général, et surtout d’être le sujet qu’on est en particulier, est toujours trop grand pour soi, de sorte que la question du sujet s’entend à travers la nécessité énigmatique qu’il soit à la hauteur d’être sujet, et qu’il soit à sa propre hauteur. C’est d’abord de ne pas y être qu’on se plaint.
Le radical de toute plainte : on se plaint d’être sujet
Se plaindre, c’est dire que « ça » ne va pas. Quoi ? La réponse évidente : être sujet – selon le diverses modalités que cela peut avoir dans autant de domaines. L’objet immédiat de la plainte est ainsi le médiateur du sujet à lui-même : cela qui permet (ou permettrait, justement quand « ça » ne va pas) au projet de se réaliser, en tant que le projet est toujours en fin de compte celui, impossible, d’être sujet. Les raisons que nous avons de nous plaindre déterminent cette nécessité qu’en toute plainte, il s’agit d’un rapport du sujet à lui-même : par l’intermédiaire d’une réalité – qui peut même être la personne du sujet ou son caractère comme dans l’exemple de celui qui se plaint d’être velléitaire ou paresseux – il s’agit que le sujet ne le soit pas d’une manière abstraite et vide selon la catégorie purement réflexive du statut de sujet mais qu’il le soit précisément comme sujet c’est-à-dire comme responsable… d’être un sujet, et d’être le sujet qu’il est. S’il n’y a de plainte qu’à propos de la difficulté à être sujet, le sens de la plainte est toujours celui d’une responsabilité et donc d’une culpabilité de ne pas être le sujet que, justement comme sujet, on avait la responsabilité d’être, même quand on se représente qu’on l’est. L’objet explicite assure juste la médiation entre soi comme ayant à advenir à soi, et soi comme empêché de le faire.
On dira que celui qui se plaint de souffrir du dos n’invoque pas une faute qu’il aurait commise pour ne pas être sujet, mais qu’il mentionne au contraire une excuse. Or qu’est-ce qu’une excuse, justement, sinon une démission de son statut de sujet (certes justifiée, l’excuse étant supposée réelle), et par conséquent une culpabilité quant à la nécessité, qui définit le sujet comme telle, d’avoir toujours déjà à être sujet ?
La réflexion nous pousse immédiatement à protester contre cette imputation en arguant de la réalité de l’excuse, qui peut même être la meilleure des excuses c’est-à-dire la mort. Reprenons l’exemple déjà cité : les parents de l’orphelin n’ont certes pas pu l’élever, bien qu’il appartienne à tout parent d’avoir promis d’élever ses enfants, puisqu’ils étaient morts. Or si difficile que soit cette reconnaissance au regard de nos complaisances habituelles envers les possibilités d’être excusés, nous ne sommes pas sans savoir au fond de nous que seuls les lâches ont des excuses, et qu’il n’y a dès lors pas d’excuse à être lâche puisque c’est une décision originelle de soi déjà supposée par toutes les excuses qu’on se trouverait de l’avoir prise. Disons-le de manière moins brutale : cette indication d’innocence qu’on appelle « excuse », justement de ce qu’elle soit légitime c’est-à-dire transférée (ce n’est pas moi qui suis responsable mais les circonstances : la réalité n’a pas permis que…), dit la démission de la responsabilité radicale, qui est encore et toujours celle d’être sujet. On n’a jamais d’excuse pour avoir démissionné de soi, puisque la simple éventualité d’invoquer l’excuse a cette démission pour condition. Cette culpabilité est incontestable pour soi, au sens où l’on ne peut arguer d’une excuse réelle sans la savoir mensongère sinon comme énoncé du moins comme énonciation ; mais elle vaut aussi pour les autres : ignorons-nous que ceux qui sont morts avant d’avoir pu élever leur enfant avaient malgré tout promis de le faire ?
Cette distinction que je rappelle entre l’engagement et la promesse dit celle de ce qui importe (la réalité, les circonstances…) et de ce qui compte (ici la parole implicitement donnée) comme la racine même de la vraie culpabilité, qui est toujours celle de n’être pas vraiment les sujets que par ailleurs nous sommes indubitablement. C’est que nous sommes constamment en train d’opérer la distinction de ce qui importe et de ce qui compte puisqu’on n’est sujet qu’à ce que ne compte pas ce qui importe ; de sorte que l’excuse, comme savoir, ne pouvant jamais relever que du premier terme, est toujours mensongère par rapport au second (dans l’exemple l’important est de savoir que les parents étaient morts ; mais ce qui compte est qu’ils n’ont pas élevé leur enfant). La plainte, en disant l’impossibilité d’être sujet, dit par là même le fait d’être sujet comme identique à sa propre distinction. Dit de la souffrance, elle atteste du sujet en tant que tel c’est-à-dire pris dans la difficulté d’être un sujet : elle dit l’impossibilité celui qu’il avait depuis toujours à être (lui-même comme vrai), lui qui a pour vérité que sa propre réalité ne compte pas, ainsi que le montre l’opposition de la décision qu’on signe et du choix qu’on explique en arguant précisément de cette réalité.
C’est donc toujours de la distinction qu’on se plaint, puisqu’elle est notre responsabilité c’est-à-dire notre « réalité » de sujet. Si je me plains de souffrir du dos, par exemple, c’est bien pour indiquer l’aberration qu’il y a pour moi, un sujet capable de décision, d’être barré dans mon accomplissement de sujet (par exemple que je sois sujet de la promenade) par quelque chose d’aussi trivial… que ma propre réalité. La plainte est bien le discours du sujet comme sujet c’est-à-dire du sujet qui souffre d’être sujet – en quoi consiste d’abord qu’on soit sujet.
On voit pourquoi la toute première demande est toujours, dans la plainte et à propos d’elle-même, qu’elle soit non pas satisfaite mais entendue.
La plainte s’entend de l’épreuve du « soll ich werden »
La souffrance, c’est toujours que « ça ne va pas » parce qu’on appelle sujet ce vivant très particulier qui est affecté par la vérité, et donc par une certaine impossibilité de vivre qu’il faut nommer insistance de cette vérité, ou souffrance. Dans la douleur, ce n’est pas la vérité qui insiste mais l’existence, et le savoir se mobilise pour réduire cette insistance. La question de la souffrance apparaît quand l’éventualité de cette réduction n’a aucun sens, c’est-à-dire quand la question n’est plus de la subsumer par un supplément de savoir (par exemple la chimie des antalgiques) mais de l’assumer en reconnaissant l’essentielle partialité du savoir. Celui-ci reste représentativement l’horizon de la vérité, sauf que ça ne compte pas. (Pour la douleur, par contre ça compte !) C’est de soi comme sujet, là où le savoir ne compte pas, qu’il s’agit dans toute souffrance, alors que c’est au contraire de soi comme non sujet (là où le savoir compte) qu’il s’agit dans la douleur (une luxation est nécessairement douloureuse, par exemple : le sujet n’y est pour rien). Dans la distinction de la douleur qui pose problème et de la souffrance qui reste énigmatique précisément de ne pas être justiciable d’un traitement valant pour la douleur, nous pointons le lieu de la décision (question du sujet comme responsable d’être sujet), et non plus du choix (question de savoir anonyme). Toute souffrance y tient. On peut dire en ce sens que souffrir consiste toujours à être confronté au décisif.
D’où cette indication, impliquée dans l’idée du décisif et dont la portée reste à préciser : il n’y a pas de souffrance que la signature n’y soit d’une manière ou d’une autre impliquée. On signe une décision alors qu’on explique un choix, je l’ai dit souvent pour opposer la singularité de l’acte à l’anonymat du savoir. Si l’on admet qu’il y a des réalitésdécisives en ce qu’elles nous mettent en quelque sorte au pied du mur d’être sujet en ouvrant l’alternative d’assumer d’être sujet ou au contraire de se défiler par l’invocation du savoir et de l’évidence réflexive d’être n’importe qui, on admet qu’on n’en fait pas l’expérience(sujet universel) mais l’épreuve (sujet singulier), et qu’en ce sens elles donnent lieu à de la souffrance. Ces réalités renvoient le sujet à la nécessité qu’il advienne à sa propre vérité, puisque le propre de l’éprouvé est qu’il fasse autorité – au-delà de l’épreuve. Le décisif nous fait reconnaître la nécessité de faire autorité, sauf bien sûr qu’il est impossible en première personne d’être une autorité. On se plaint aussi d’être confronté à des réalités décisives.
Précisions la corrélation de l’épreuve et de la plainte. L’impossibilité qu’on soit le sujet qu’elle réclame est la réalité de l’épreuve : quand il n’y a pas d’excès ce n’est pas une épreuve mais une simple formalité. Mais il ne faut pas l’entendre dans la simple acception d’une impuissance qu’on pourrait surmonter. D’une épreuve, on ne sort jamais : c’est un autre qui en sort – auquel c’est seulement par ailleurs (du point de vue de la réflexion, qui ne compte pas quand on parle de vérité et non de savoir) qu’on peut s’identifier. Et rater l’épreuve signifie n’être pas un autre, par opposition à celui qui est désormais un autre (un étudiant et non plus un lycéen, par exemple, alors que l’autre est toujours lycéen). Telle est la différence de l’épreuve et du traumatisme : celui-ci affecte le même en tant que même, alors que l’épreuve le récuse. De quoi se plaint-on, alors, sinon encore et toujours d’une certaine épreuve – celle d’avoir à être vraiment sujet – dont on n’arrive pas à sortir parce qu’on reste le sujet qu’on est en fait ?
L’épreuve – être sujet, dès lors que ce terme désigne une responsabilité et pas un état – exige un sujet que je n’ai pas la possibilité d’être ; or elle est mon épreuve c’est-à-dire l’épreuve que je fais de moi-même ; donc c’est le même d’être soi et d’avoir à être un autre, et de s’éprouver comme n’étant pas en vérité celui qu’on est en réalité. En somme c’est toujours de sa propre distinction qu’on se plaint.
Disons-le autrement, et découvrons l’horizon de notre interrogation sur la méconnaissance constitutive de la plainte : c’est toujours d’être marqué qu’on se plaint. Voilà comment on peut concrétiser notre compréhension de la souffrance comme insistance de la vérité dans la vie. Car insister, pour la vérité affectant le vivant, c’est le marquer, l’empêchant ainsi localement d’advenir comme sujet de sa propre vie. Et certes, il s’en plaindra, méconnaissant que sa question n’est pas celle de sa vie mais celle de sa vérité – celle du décisif, tel qu’une décision (celle d’en être sujet, forcément) l’aura instituée.
La plainte dit la souffrance de ne pas pouvoir être sujet, c’est-à-dire la souffrance d’être sujet, en tant que cela consiste à être pris dans l’épreuve d’être sujet. La plainte dit ainsi la contradiction du fait et de la nécessité d’être sujet. On peut indiquer cette contradiction en disant qu’il ne suffit pas d’être sujet pour l’être vraiment, et qu’en cette insuffisance réside la réalité éthique du sujet, exprimée par la plainte. Puisqu’être sujet consiste à avoir à l’être vraiment, alors que le sujet a sa propre impossibilité pour réalité, il faut reconnaître que c’est le même d’être sujet et de savoir qu’on ne l’est pas vraiment d’une part, d’être sujet et de craindre de ne jamais l’être. Et certes, on n’est jamais soi que sans soi : la vérité d’un sujet lui est non seulement extérieure mais encore étrangère, puisque c’est par définition en lui-même que le vrai est vrai, et non pas dans un sujet dont il serait l’expression. De sorte que la plainte reste le fond de l’expression subjective, justement de ce qu’elle soit exclusive de la vérité à quoi le sujet, d’en être originé (l’impact du vrai distingue le sujet du simple vivant et par là le cause), est constitutivement voué (on n’est sujet qu’à avoir à l’être vraiment).
En somme, le fond de notre question est qu’on se plaint d’être à jamais étranger à ce à quoi notre existence consiste à être voué…
Etre vraiment sujet selon la promesse de l’avoir été
Le temps subjectif n’est tel que depuis une donation originelle. De même qu’on ne parle qu’à ce que la parole nous ait d’abord été donnée, on ne vit que dans un temps qui n’est le nôtre que depuis une donation originelle par quoi on ait été mis en position de répondre – ce qui est indistinctement répondre de soi comme étant bien celui à qui le statut subjectif a été donné et s’approprier le temps de propre la réponse, laquelle n’est pas simplement l’envers d’une première adresse mais un en plus de reprise subjective. J’insiste sur ce double sens de la responsabilité : il n’y a pas de différence entre répondre de son propre statut de sujet en assumant qu’une parole, par là même institutrice, ait été donnée, et répondre d’un temps qui soit désormais le sien, d’un temps donné et pas simplement réel, celui d’une vie dont on ait désormais à être le sujet. Tout tient à ce « désormais », dont j’ai souvent parlé à propos de l’épreuve : être éprouvé, c’est être désormais un autre. Qu’on ne soit pas sa propre origine, ou que le temps de la vie soit un temps donné et pas simplement un temps objectif, ou qu’on ait à être sujet sur le mode du « désormais » c’est-à-dire sur le mode de la distinction radicale d’avec soi, et qu’on soit originellement un autre, c’est donc la même chose. Originé dans la donation, notre temps – c’est-à-dire notre simple existence subjective – est ainsi le temps de la division, celui de l’étrangeté comme étant la dimension de vérité dont notre vie sera humaine de relever. Que la vérité du sujet lui soit à jamais étrangère, autrement dit l’impossibilité qu’il s’y reconnaisse jamais, c’est l’envers d’une dimension première de son existence subjective comme don. Inversement, s’imaginer un sujet ayant à se retrouver dans une vérité qu’il avait commencé par méconnaître, c’est dénier que l’existence procède d’une donation, puisqu’il n’y a pas de différence entre récupérer et nier que l’étrangeté soit vraie. C’est le même de dénier au concept d’expression toute pertinence quant à penser le sujet que nous sommes comme nécessité éthique de l’être, au sens où être responsable consiste d’abord à assumer la responsabilité d’être responsable (en pure distinction à soi, donc), et de reconnaître à l’origine de notre simple existence un don de subjectivité. En quoi on rappelle simplement que notre première parole était une réponse et non pas une initiative et qu’elle s’est par là même inscrite malgré elle dans l’horizon d’une initiative antérieure – celle de nos parents, bien sûr, et plus généralement de l’humanité qui se perpétue non pas par la reproduction, comme on peut le dire d’une simple espèce vivante, mais par le don de soi. Que l’existence soit non pas naturelle mais toujours donnée, cela signifie qu’il nous est à jamais impossible de simplement vivre, et que la vérité à quoi nous sommes toujours institués d’être voués, ne s’entend pas comme un moment de récupération qui puisse d’une manière ou d’une autre prendre place dans la vie. Je l’ai dit souvent : la vérité ne sert à rien. Ou, si l’on préfère : les œuvres ne sauvent pas.
Mais cela ne change rien à leur nécessité, justement en tant qu’elle est la leur et pas la nôtre. La nôtre est seulement que la leur soit la leur : que nous advenions de notre propre étrangeté de sujet dans l’autorisation qui ouvrira la nécessité qu’elles seront alors pour elles-mêmes, quand un simple vivant serait advenu de se réaliser dans des expressions.
Or cette nécessité à jamais étrange, à quoi nous sommes voués depuis toujours et dont nous ne saurions tirer bénéfice, même en idée, qui ne voit qu’elle est une promesse ? Car la promesse se définit bien d’être une parole donnée, d’une part, et d’autre part de s’entendre en récusation de toutes les importances par ailleurs réelles qu’on peut reconnaître à la réalité. Que la parole nous ait été donnée ou que notre existence ait pour condition première d’être une promesse, c’est la même chose : la parole nous a été donnée contre la vie, qui est pourtant tout, nous distinguant d’emblée de notre vie, comme on le voit de ce qu’elle importe (et certes rien n’est plus important que vivre) mais ne compte pas. Exister ou être une promesse de distinction par rapport à la réalité – celle-là même que signifie l’exclusivité réciproque des notions d’expression et d’autorisation – c’est tout un.
C’est qu’à se plaindre, on éprouve toujours qu’on ne tient pas la promesse qu’on est : sous toutes les raisons qu’on a de se plaindre, c’est toujours de ce regret – de cette culpabilité éthique originelle – qu’il s’agit. Souffrant, on se plaint donc toujours d’être commun, de ne pas se tenir dans sa propre impossibilité subjective, alors que dans la douleur, bien au contraire, il s’agit de le redevenir.
Cette contradiction donne son sens à l’idée de la marque, puisqu’elle désigne le fait d’être le même et le fait que cette identité indéniable ne compte pas. Et certes, c’est toujours d’être marqué qu’on souffre. Mais qu’est-ce qu’une marque, concrètement, sinon une promesse ? Par exemple un produit de marque japonaise (le même qu’un autre, à la marque près) promet de la technologie comme un produit de marque allemande promet de la solidité. La souffrance, dont la plainte est le dit, est par conséquent bien l’insistance de la promesse que chacun est originellement. De quoi se plaint-on alors ? de ceci : qu’on n’est jamais à la hauteur de la promesse originelle, celle d’être vraiment sujet – puisqu’on n’est sujet que sans le savoir et que, déjà, nous savons que nous sommes des sujets. Traduite en termes existentiels, cette souffrance est une crainte, celle de n’avoir jamais été sujet : un autre (ou soi-même en tant qu’autre) peut bien dire qu’on l’a été parfois, comme de toute façon on n’y était pas (l’idée, par exemple, nous est « venue » : son élaboration s’est donc faite en notre absence), pour soi-même, on ne l’a jamais été.
D’où cette conclusion que rien ne nous sauve, et que c’est de cela que nous nous plaignons.
Je vous remercie de votre attention.