Cours du 09 mars 2001

Je voudrais reprendre ce que j’ai dit la dernière fois sur l’expérience et mettre en évidence l’exclusivité de cette notion avec celle du respect. L’expérience n’a lieu qu’à ce que ni l’objet ni le sujet ne comptent, parce que l’objet est exclusivement identifié à son importance et le sujet au savoir dont il s’autorise pour que, précisément, l’expérience ait lieu. L’expérience est proprement l’importance de l’objet, si l’on prend ce terme en un sens verbal – et donc, subjectivement, elle est la décision qu’il ne compte pas. Je vais développer l’idée que cette décision n’est pas sans incidence, éthiquement parlant.

Servilité de l’expérience : la trahison du vrai

La vérité de l’objet est d’être mis à la poubelle une fois les mesures effectuées, exactement comme celle du sujet est de disparaître dans la réalité du savoir qui le constituait (le physicien ne compte pas : le résultat de son expérience est un progrès de la physique). Impossible par conséquent de trouver une notion plus contraire à la nécessité du respect que la notion d’expérience, et c’est pourquoi j’ai dit qu’elle était la plus servile des notions, si l’esclave est celui qui ne respecte pas. Or ne pas respecter, c’est tenir pour rien ce qui ne doit pourtant pas être rien : n’en restera que du savoir, hors de quoi, réflexivement, rien ne saurait avoir raison d’être reconnu. Accentuée, cette idée est celle du mépris : la chose elle-même peut bien s’anéantir, du moment qu’on a obtenu d’elle ce qu’on voulait et qui est une importance dans le savoir (par exemple l’affichage de telle mesure). On méprise donc la nécessité qu’elle soit le sujet de son propre être et de sa propre vérité. L’expérience est toujours un acte de mépris, quand on se place du point de vue de la nécessité, pour la chose, qu’elle chose gouverne sa propre manifestation – ce dont l’assomption serait le respect : la chose compterait, par opposition à l’expérience où elle n’est rien que sa propre importance.

Ce qui insiste à l’égard de cette décision originelle de l’empirie (car il n’y a d’expérience qu’à ce qu’on ait originellement décidé que le savoir serait seul à compter), c’est donc la chose elle-même : la chose en tant qu’elle est marquante, parce que toute expérience est en même temps une épreuve qu’il faudra dénier comme telle. En toute expérience il y a en effet un moment de rencontre, d’irréductibilité, dont il faudra « oublier » pour qu’on puisse en rester au savoir – qu’il s’agisse de celui auquel on s’identifiera (il faudra nier le moment marquant de l’expérience) ou celui qu’on aura retiré de la chose et qu’on aura décidé de confondre avec sa vérité. Autrement dit, c’est bien la chose elle-même qui va être asservie à son importance – en quoi donc l’expérience est bien une catégorie servile, si le propre de l’esclave est de tout ramener à la servilité.

Le déni du vrai, au sens de la chose qui décide de sa propre manifestation et qui dès lors suscite le respect (lequel porte alors sur l’autorité de cette décision telle qu’elle se distingue dans la décision même), appartient donc originellement à l’éthique de l’expérience. En tant que toute expérience comprend un moment d’épreuve, on peut dire que cette éthique est seconde ou encore réflexive : on ne peut pas simplement opposer l’épreuve à l’expérience, mais il faut dire qu’il n’y a d’expérience qu’à l’encontre de ce qu’il y a eu, à savoir une épreuve. Là est la fausseté originelle de l’expérience, la fausseté éthique de faire passer le savoir où le sujet s’assure de son anonymat (le physicien est encore plus physicien, par exemple) pour la vérité de la chose dès lors marquante. Il faut l’avoir reconnue comme sujet de la vérité c’est-à-dire comme sujet respectable pour ensuite dire qu’il n’y a de vérité que sous les espèces du savoir, et que rien ne mérite jamais d’être respecté – puisque je suis le vrai sujet de tout ce dont je puis avoir l’expérience, et qu’en conséquence rien ne compte jamais que le savoir dont je m’autorise pour être, précisément, le sujet de l’expérience. Le mensonge est dans cette affirmation, dont le respect est l’envers. Car ce qui inspire du respect, c’est à chaque fois ce qu’on reconnaît comme détenant l’autorité de son apparaître, autrement dit ce qui récuse la nécessité transcendantale inhérente à la réflexion pour laquelle tout ce qui est, est pour et par moi. Comme à chaque fois qu’il est question de vérité, il faut penser à l’encontre de la nécessité transcendantale inhérente à l’attitude réflexive.

Cet encore est d’ailleurs assez évident quand on oppose le respect en général qui est un commandement, au respect en particulier qui est un sentiment. Ce qu’on doit respecter (l’humanité en général, par exemple), on en reste à l’idée de le respecter et, bien que l’aveu soit presque impossible à faire à cause de la position réflexive qu’il suppose, on ne le respecte pas. Mais là où il y a du respect, c’est là où il n’apparaît pas à titre de commandement (ce qu’il est assurément « par ailleurs ») mais là où il est vécu spontanément, autrement dit là où il s’agit d’un sentiment forcément particulier. La première hypothèse est celle du déni du vrai, alors que la seconde est celle sa reconnaissance – laquelle se fait nécessairement de manière sensible (dans le sentiment), puisqu’il n’y a de vrai qu’en extériorité au savoir.

La distinction inhérente au respect lui-même entre respect en général (commandement) et respect en particulier (sentiment) a donc son principe dans le rapport que le sujet entretient avec le vrai : soit il est dénié comme tel, auquel cas on parlera de l’objet du respect alors que la constitution même de l’objet est l’impossibilité qu’on le respecte (précisément : l’objet est ce qui ne compte pas, puisqu’en lui, comme statut et comme vérité, c’est le sujet qui compte), soit il est reconnu (c’est la chose elle-même qui compte et c’est elle qui suscite le respect). Bannir le vrai, ou au contraire le reconnaître dans sa « subjectité », c’est-à-dire dans la nécessité tautologique qu’il soit le sujet de la vérité (par opposition à la nécessité transcendantale où la position a priori du sujet comme subjectif interdit qu’il soit jamais question de vérité), on voit bien que c’est une question d’éthique et non pas de connaissance. C’est tout ce que j’ai à dire, dans mon travail : la vérité est uniquement une question d’éthique.

L’alternative que je viens d’énoncer, on peut encore la traduire par l’alternative de deux sentiments : le respect, où le vrai est reconnu comme tel c’est-à-dire comme sujet de la vérité, et la jalousie où le sujet subjectif enrage que quelque chose soit, à sa place que dès lors il imaginera volée (c’est le propre des jaloux de considérer les autres comme des voleurs, sans qu’ils sachent bien de quoi), sujet de la vérité. Mais il ne tient qu’à soi d’être sujet de la vérité, c’est-à-dire de la réponse forcément inouïe à la question de savoir qui l’on est ! c’est ce que j’ai appelé la « métaphore personnelle » à quoi l’identification de la première personne à n’importe qui implique le renoncement. Personne n’interdit aux jaloux de « réussir » leur vie c’est-à-dire de produire une signification irréductible à tout savoir (une signification de type littéraire, donc) et qui sera leur marque – disant qu’ils ont vécu et qu’ils ont été eux. Et c’est à refuser le don qui leur est originellement fait de cette possibilité (don qu’on aperçoit en tout enfant quand on voit en lui une promesse d’humanité, c’est-à-dire l’ouverture d’un avenir par opposition à un simple futur) qu’ils enragent dans la reconnaissance du vrai, et donc, chez eux, dans son déni. Le transcendantal, comme on pourrait le montrer notamment en de nombreux textes kantiens, c’est le caractère intolérable de la propriété du vrai, c’est-à-dire de la nécessité que le vrai soit le sujet de la vérité…

Voilà, finalement, en quel sens la question de la trahison du vrai se pose : subjectivement, on est toujours dans l’alternative de la jalousie (la réflexion) et du respect (la sensibilité), ou plus exactement on est toujours dans la distinction du respect relativement à la jalousie qui est « par ailleurs » inévitable. En tant que nous sommes médiocres (et nous le sommes tous, corrélativement à la nécessité de la structure monde ou, si l’on préfère, corrélativement à l’a priorité du signe) nous sommes jaloux – et nous « ratons » notre vie. Mais là où nous sommes marqués, donc sensibilisés par le marquant, nous sommes capables de reconnaître le vrai et donc de le respecter.

J’opposais l’autre jour la marque au signe ; vous voyez que cette opposition n’est pas métaphysique mais éthique : c’est celle de celui que nous sommes par ailleurs et de celui que nous sommes vraiment (sans le savoir, donc), et on peut réfléchir cette opposition par celle de deux sentiments qui ne sont donc pas simplement empiriques : le respect et la jalousie – laquelle consiste concrètement, comme chacun sait, à privilégier universellement la structure du signe (un jaloux est toujours quelqu’un qui traite l’étant comme un signe, ainsi qu’on le voit magnifiquement exposé chez Proust). Et là où c’est le signe qui décide de tout, le vrai est trahi parce que le vrai ne signifie rien, et ne s’adresse à personne.

Un autre argument vient conforter cette nécessité, à savoir que toute expérience est forcément, dans son moment essentiel, une épreuve – que la réflexion, dont la décision de faire compter le savoir, doit aussitôt dénier comme telle. L’essence éthique de la nécessité transcendantale est, dans la secondarité qui définit la réflexion, de trahir une nécessité qu’on a pourtant reconnue dans la nécessaire dimension d’épreuve qui conditionne l’expérience : on dira qu’il n’y avait que du savoir matérialisé (le dispositif comprenant le sujet compétent) et qu’il ne s’est rien passé d’autre qu’un accroissement dudit savoir. Si, il s’est passé quelque chose dans l’expérience : l’étrangeté de la chose a été éprouvée mais elle a toujours déjà été déniée d’avoir été éprouvée par un sujet anonyme, quelqu’un qui s’était trahi lui même en s’autorisant non plus de lui-même (ce que signifie l’acte de signature) mais de sa place ou de son savoir. On ne trahit la chose dont on éprouve l’étrangeté qu’à s’être préalablement trahi soi-même, c’est-à-dire qu’à avoir cédé sur la nécessité de s’autoriser de soi – sur la nécessité d’être un auteur, autrement dit puisque ce terme ne dit finalement rien d’autre que cette nécessité éthique. En quoi l’inhérence de ce dernière terme à la question de la vérité apparaît clairement : là où il n’y a pas d’auteur, il ne peut pas y avoir de vérité.

C’est ce que j’ai expliqué plusieurs fois quand j’ai dit que l’irréductibilité de la chose à l’objet ne pouvait se dire qu’à l’encontre du concept dont n’importe qui s’autoriserait pour la nommer, et quand j’ai défini la métaphore en refusant de la considérer du point de vue de l’énoncé (elle dirait quelque chose que le concept serait incapable de dire, comme s’il y avait des nuances trop subtiles pour être signifiées !) mais en la restreignant à une nécessité énonciative (une métaphore, c’est ce que n’importe qui ne peut pas faire : c’est le discours de celui qui est marqué, en tant qu’il l’est). Dans le surplus métaphorique se dit la corrélation de la vérité et de la nécessité de l’auteur, et cette nécessité est l’envers de la nécessité servile de ramener l’ordre des choses à la possibilité de l’expérience. Le vrai est donc inséparable du génie (ce que personne n’a jamais ignoré) si l’on nomme ainsi l’irréductibilité de la personne qu’on est à l’anonyme que l’expérience impose qu’on soit. Je le dis autrement : la vérité de la chose passe subjectivement par l’épreuve d’être soi.

Si être vraiment soi (par opposition à être celui que n’importe qui serait à notre place et qui est notre expérience de la vie) est une épreuve, alors cela doit forcément laisser une marque, par ailleurs cause du vrai. L’œuvre, qui est le vrai, procède de cette marque – est causée comme telle par la marque (matérialisée dans la signature, mais pas obligatoirement). Car l’œuvre, dans n’importe quel domaine (la notion déborde évidemment le strict domaine de l’art), est ce qu’un seul a fait, et elle est le vrai pour la seule raison que son auteur était lui et non pas n’importe qui. Et c’est uniquement là où quelqu’un est marqué qu’il n’est pas n’importe qui : par ailleurs il est sujet de son expérience, de sorte que l’éthique de la trahison doit toujours s’entendre comme une division du sujet qu’on est soi-même et non pas comme un trait qui, bien entendu, caractériserait toujours les autres. Ma thèse ici est que le sujet est éthiquement divisé, puisqu’il est vivant (n’importe qui) et en même temps qu’il ne cède pas toujours sur l’impossibilité que la première personne est pour elle-même. On peut encore dire que cette division éthique est inhérente à la notion même de l’expérience, en tant que toute expérience comprend un moment d’épreuve, un moment qu’il faut dire de vérité puisqu’il est la rencontre irréductible de la chose elle-même dans son altérité.

Cette division éthique dont la notion d’expérience est en elle-même la manifestation, on l’indique donc en disant que c’est seulement là où l’on est marqué qu’on est capable de vérité : par ailleurs on est seulement capable de savoir, le propre du « par ailleurs » étant d’imposer l’éthique de la trahison (ou d’être institué par elle !), celle qui consiste pour quelqu’un à s’autoriser de sa place ou de son savoir et non pas de lui-même. Toute épreuve implique cela, puisque l’épreuve marque et que c’est justement de penser là où l’on est marqué qu’on s’autorise de soi.

Faire l’épreuve de quelque chose, c’est en rester marqué et par conséquent avoir installé en soi un morceau de mort, dont la crainte inhérente au respect est la reprise subjective. L’expérience, au contraire, consiste à en rajouter sur la vie dont le savoir est la réalité réflexive : l’homme d’expérience vit plus et mieux que celui qui en manque. La vérité s’entend en exclusivité de cette nécessité, inhérente au service des biens : la vérité est une exclusivité de la vie, puisqu’elle est structurellement étrangère à la structure du signe.

Corrélativement à l’exclusivité de ce service, on dira que la chose n’est respectée (c’est-à-dire reconnue comme vraie et non pas remplacée par le savoir auquel elle donne lieu dans la réflexion) qu’à ce qu’elle soit marquante. Marquer s’oppose à donner lieu à du savoir. Les gens qui nous ont marqués ne sont pas représentés par du savoir en nous, comme le sont les gens qui ont été importants pour nous. Pareillement, il n’y a pas de savoir de l’événement, faute de quoi il n’y aurait tout simplement pas d’événement ; de sorte que l’alternative est ou bien de le reconnaître comme tel (et donc, réflexivement, d’en faire l’instance de décision du savoir dont il relèvera en faisant résider son événementialité dans un « reste » dont seule la littérature peut être le discours) ou bien de l’abolir comme tel (en reconstruire la nécessité, c’est établir qu’il ne pouvait pas ne pas avoir lieu et donc qu’il ne s’est finalement rien passé : les processus historiques ont fonctionné normalement, si étonnants et surprenants que leurs résultats aient pu sembler). Impossible par conséquent de dénoncer la servilité constitutive de la subjectivité pour l’expérience sans inscrire cette démarche dans la corrélation de la marque, du respect et de la vérité – dont l’expérience, par sa décision originelle de tout ramener au savoir, est l’élimination de principe.

Décider que le savoir comptera, c’est décider que rien ne sera vrai, puisque l’on appellera « vérité » le savoir auquel l’expérience aura donné lieu et non plus la nécessité, pour l’étant quant à son être, d’être préalablement autorisé d’un nom impossible, celui dont la philosophie assure la réflexion en n’étudiant jamais que des « natures » (au sens où le cogito est de « nature » cartésienne, etc.). L’expérience est l’entreprise articulée de ce bannissement, sans qu’on ait besoin, sur le fond, de distinguer entre expérience où l’articulation de ce bannissement est implicite et l’expérimentation où elle est explicite.

Inversement, la vérité l’a toujours déjà récusée, notamment telle qu’elle apparaît dans sa double nécessité d’être à la fois cumulative puisque plus on a d’expérience mieux cela vaut, et finale en ceci que l’horizon subjectif, pour l’homme d’expérience, est la sagesse. Les idées d’accumulation et de finalité sont parfaitement exclusives de la notion de vérité, laquelle n’est pas susceptible d’être accumulée et qui, de ne se soumettre à rien, ne saurait par là même servir à rien. Rien n’est plus étrangère à l’idée de vérité que celle de sagesse, par conséquent, où s’accomplit jusqu’à être radicale la trahison du vrai dans l’a priorité du signe. Il serait absurde de considérer qu’il y a un progrès dans le génie, comme cela devrait être le cas dans l’a priori du signe où le signifié produit s’ajoute à ce qu’on savait déjà du monde. Plus originellement, la vérité ne saurait relever de la volonté et, plus généralement encore, de la structure du signe. Il n’y a de vérité que non mondaine, au sens où la marque est non mondaine parce qu’elle n’est pas un moment de la vie. Sur le fond, c’est donc l’exclusivité de la marque et du signe qui interdit de jamais conjoindre vérité et sagesse.

Le fameux « je ne cherche pas, je trouve » peut donc s’entendre à partir de cette nécessité négative : on ne trouve jamais que sans le vouloir, parce que c’est le vrai lui-même qu’on trouve, ce qui compte, dont éventuellement une réflexion assurera la dépossession jalouse en en faisant un objet.

Dans le cadre d’une problématique de la vérité, la notion d’expérience apparaît donc comme une machine de guerre contre le génie – la jalousie est donc le principe de son énonciation – comme on le voit très clairement dès que quelqu’un met son expérience en avant : c’est au moins contre l’éventualité d’un événement qui renverrait à rien le monde dont son expérience est la subjectivation. Mais, je le répète, nul n’échappe à la nécessité d’être la subjectivation d’un monde ! Nul n’échappe par conséquent à ce qu’on pourrait appeler le « ressentiment », qu’il faut donc opposer au génie entendu comme la nécessité non mondaine (sans aucune utilité, éthique et non pas morale) de ne pas céder sur la distinction qu’on est pour soi-même, et surtout qu’il faut reconnaître comme provoqué par sa reconnaissance. Et si le signe est l’ordre originel, il est en effet intolérable qu’il y ait des choses qui ne veulent rien dire, qui n’apportent rien et qui ne s’adressent à personne.

Et pourtant nous savons tous qu’il n’y a de vrai qu’au lieu de la marque, que l’identification du monde à la nécessité vitale oblige à représenter comme un morceau de mort fiché en nous (quand je dis cela, vous savez que je me réfère aussi à la sublimation comme « destin des pulsions » et à la formule lacanienne voulant qu’il n’y ait qu’une pulsion, la pulsion de mort).

Je résume donc en disant que l’expérience, éthiquement, c’est exactement le contraire : on s’en tient à ce qui importe (la chose importe du savoir dans la subjectivité) et on tient pour rien ce qui compte. La notion de marque dit cette nécessité, expressément inconsistante (la marque n’est pas une des caractéristique de la chose considérée). A la reconnaître – ce qui s’appelle donc respecter, puisque seule la marque, précisément, est inconsistante dans une réalité par exemple humaine – je suis en quelque sorte contraint de distinguer entre vérité et savoir et par conséquent à reconnaître que je ne suis moi-même que là où je ne sais pas (notamment que je le suis).

Le respect porte toujours sur cette distinction, et c’est pourquoi il s’impose malgré soi : respecter, c’est reconnaître que le savoir n’est pas la vérité, et que ce qui impose le respect fait événement. L’événement est toujours celui de cette distinction – de la distinction, en ce qui a imposé le respect et par conséquent en soi-même.

J’arrête ici pour aujourd’hui, et je vous remercie de votre attention.